Premier film que je vois d’Andrey Zvyagintsev et – encore à ce jour (janvier 2019) – le seul. J’avoue que je ne m’y serais pas forcément risqué si on ne me l’avait pas très chaudement recommandé. Il faut dire que le cinéma naturaliste russe, me concernant, ce n’est pas ce qu’il y a de plus sexy. C’est rude, austère, froid : bref c’est russe quoi… Seulement voilà, force m’est de constater à quel point, malgré la rudesse, malgré l’austérité et malgré la froideur, qu’il y a dans ce cinéma – du moins dans ce film là – une vraie proposition de septième art. Cadre propre, photographie soignée, jeu d’acteur sobre. Tout est mesuré. Rien n’est de trop. On va à l’essentiel. Du coup, je dois bien reconnaître que l’un dans l’autre, j’ai accepté de rentrer dedans, puis j’ai accepté de me laisser prendre. Et la grosse force de ce film repose dans l’efficacité de sa démonstration. Cette richesse qu’il y a dans la rudesse de forme, on la retrouve très justement traitée par un propos aussi juste que lucide.


Oui, le père est dur avec ses enfants, mais il l’est à dessein. Il l’est justement parce qu’il est un père. Il est là pour apprendre à ses enfants à s’en sortir tous seuls dans ce monde qui ne fait pas de cadeau. Il fait grandir. Il épanouit. Et son travail est d’autant plus beau qu’il est ingrat, car ce n’est qu’une fois qu’il disparaît qu’on prend conscience de la richesse de son enseignement.


D’ailleurs, difficile pour moi de ne pas féliciter ce final brillant de pertinence.


Ces photos qu’ont pris les gamins durant tout leur périple – ce rare périple avec le père – ce sont des photos sur lesquelles le père n’apparait pas. Sur l’instant présent on n’avait pas pris conscience de son importance, et maintenant qu’il est parti, ces photos sonnent comme un regret : celui de n’avoir que des souvenirs indirects de lui.


Et enfin – dernier grand mérite du film – il sait se faire court : 1h30. Largement suffisant. Après peut-être souffre-t-il parfois d’une certaine brusquerie pour amener ses péripéties et transiter d’une phase à l’autre, ce qui est toujours le risque quand on construit une intrigue sur une trame aussi épurée


(Je pense notamment à la manière d’amener la mort du père. Jusqu’alors il était le genre de gars rude qui ne bronchait pas. Et là, pour une raison qui ne s’explique pas, il panique quand son gamin décide d’aller bouder sur une île où pourtant il n’y a aucune issue. Alors je comprends bien – il fallait faire avancer l’histoire – mais tout de même, ça manque vraiment de souplesse voire de logique.)


Malgré tout, ces rares défauts pèsent peu sur la qualité d’ensemble. Certes c’est rude, mais c’est aussi pour cela que c’est efficace… Bravo Andrey Zvyagintsev...

Créée

le 17 janv. 2019

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