J'ai hésité entre 3 et 4, en me disant "un jour, je saurai lui mettre 8 ou 9".

Après Roublev - et comme pour d'autres spectateurs de ce que j'ai pu lire en parcourant quelques critiques (dans ma vaine tentative d'y voir plus clair) - je persiste à dire que Tarkovski s'est décidé à flinguer plusieurs de mes soirées. Mais bref.

Je n'étais pas en mesure de comprendre pratiquement quoi que ce soit au Sacrifice. C'est toujours douloureux de l'admettre, mais il faut savoir - comme dit Yannick de Dupieux (les voilà, mes références cinéphiles) - "affronter le taureau par les cornes" i.e. : oui, je suis sans doute ou excessivement ignare, ou flegmme, ou encore plus vraisemblablement les deux à la fois, pour me saisir de la (des ?) seconde(s) lecture(s) du Sacrifice.

Au départ, je pensais attribuer la note de 3 et non pas 1 (bien que je m'ennuyais significativement) car je me disais : bon, les intellectuels aiment le film, DONC il ne peut pas être plus détestable que Van Helsing ou Jurassic World. Et il y avait la scène d'intro', le jeu des acteurs, le regard caméra des yeux larmoyants (un effet "Chat potté" ?), une mise au point caméra sur des feuilles mortes derrière les carreaux d'une fenêtre, et plus globalement une atmosphère générale qui semblait dire : "il y a un truc".

Puis, petit bouleversement : j'ai eu comme un sursaut de conscience lorsque j'ai compris que le protagoniste était avec Marie. Un instant, j'ai effleuré la sensation du Merveilleux pour cette (d'après ma formulation :) interprétation d'une forme d'amour maternel-réconfortant-absolu-miséricordieux. Je me suis dis "ça y est, je le sens". La note allait grimper. Et, c'est redescendu, ça a stagné jusqu'à la fin. D'où le 4.

La scène finale, l'incendie, je n'ai pas pu m'empêcher d'être plus concentré à penser aux aspects techniques de la préparation de ce, certes impressionnant, plan séquence (i.e., penser aux pompiers et leur canon à eau en train d'arroser préalablement le terrain pour la sécurité, (un peu de la même manière qu'on les devine dans Inspecteur la Bavure lors de la scène de l'agression simulée sous la pluie) ça m'agaçait d'ailleurs d'imaginer cet opportunisme esthétique des flaques d'eau refletant l'incendie) que par la scène en elle même. Pour cette dernière, je n'ai pas su trop quoi "ressentir" d'autre qu'un protagoniste arraché entre sa foi, son entourage associé aux infirmiers qui veulent le ramener à une forme de pragmatisme. Enfin, je n'en sais rien en fait.

Pendant le visionnage, il n'y a eu que quelques bribes de reflexions, de tentatives d'interprétation, par à-coups, pour la plupart vite avortées. Parfois, je m'interrogeais sur une hypothèse de poker-menteur pour expliquer le succès du film (e.g., tout le monde se fait chier, mais tout le monde doit dire que c'est bien au risque de passer pour un ignare). Et il y a ce type qui veut éternellement "partir en Australie", et cette femme qui en semble bouleversée. Pourquoi ? quel en est le sens ? symboliser la rupture amoureuse ? le trouble conjugal ? opposer des idéaux ? Je n'en sais rien. Comme pour presque chaque scène, chaque dialogue. Peut-être n'y a-t-il pas d'explication, peut-être que si, peut-être suis-je trop psychorigide, peut-être que tout est ainsi laissé en plan pour si fameusement "laisser le spectateur se faire ses propres interprétations"... ; montrer un peu mais pas trop, ainsi serait-ce l'Art ?

Finalement, je me suis dis ne pas être "calibré" pour me concentrer 2h30 sur Tarkovski, ou simplement TDAH. Tout de même, je reste humble : je me note, pour plus tard, d'essayer de creuser les différentes oeuvres de l'emblématique réalisateur Russe (qui me fait tout de même douter de son sens du sacré de l'existence notamment de par le traitement réservé à un cheval que la prod' laisse chuter de plusieurs mètres dans Roublev), parce que quand même... je risque de me sentir incapable de m'acculturer à la tribu des cinéphiles (si tant est que j'en ai envie).

Au final, Le Sacrifice agit comme une bonne séance de psychanalyse.

SirdeWibengrad
4
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le 15 sept. 2023

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