Quel plaisir de revoir Le Salaire de la peur, qui alterne la tension du non-action à celle d'une action en continu. En effet la première partie du film prend son temps pour poser son lieu perdu, ce personnage et son attentisme lancinant. Cette lenteur voire langueur sous la chaleur mexicaine ancre solidement les rapports de force entre les personnages, alors besoin d'évasion de cette prison à ciel ouvert, leur dépendance affective et leurs rancœurs. La galerie de personnages éclectiques et internationaux renforce le caractère de fond du trou où l'on vient se perdre.
La seconde partie, le convoyage effectif de la nitroglycérine présente une autre forme de tension, seule où on guette le moindre soubresaut, l'erreur qui fera partir tout en fumée. C'est le moment du délitement des relations, ou le fort devient le pleutre et ou le patient devient téméraire. Là aussi la mise en scène brillante d'Henri Georges Clouzot fait mouche, tout comme son usage de la lumière et d'un noir et blanc riche. Cette partie tire toute sa force de tous les enjeux posés précédemment et permet ainsi de creuser davantage les questions quasiment morales et les rapports humains. La scène de l'explosion m'a soufflée comme le tabac de la cigarette de Jo par sa mise en scène : d'abord un souffle inconnu puis le bruit puis la fumée.
Je regrette cependant une fin un peu grossière qui étire la superposition des scènes de liesse et de conduite insouciante dans un montage trop didactique.