Croix de bois, croix DeMille, si tu mens, je t’enfile

Plus je vois ses films, plus je me dis que Cecil est un être étonnant.


Prenez "le signe de la croix".


Certes, ce péplum qui s’ouvre sur l’incendie de Rome sous Néron ne manque de pas de chrétiènneries. Au passage, notons que Quo Vadis, réalisé 19 ans après, seul mauvais film de Mervyn Leroy, en est un presque parfait copié-collé. Mais non seulement le film de DeMille est exempt de bien des bondieuseries insupportables (pléonasme) du Leroy, mais encore comporte-t-il de sérieux atouts absents de la version de son successeur.


Il faut dire que la carrière de DeMille connait à l’orée des années 30 une légère dépression. Ses quatre derniers films sont de relatifs échecs, ce qui l’oblige à se défaire de son indépendance obtenue quelques années plus tôt et retourner au bercail Paramountien. Le bougre ne peut plus se rater et doit à tout prix attirer le spectateur pour ne pas mettre sa carrière en sommeil. Ce sera donc du grand spectacle historique (Rome, incendie, jeux du Colysée, toussa toussa) avec, pour assurer le coup, de la fesse.


Entendons-nous bien : de la fesse en 1932, c’est pas du bukkake et de la dp sauvage (je suis allé chercher les termes sur internet). Ça l’est d’autant moins, d’ailleurs, que le code Hays est en pleine éclosion et que le lascar de Cecil, républicain jusqu’au bout des seins, a milité pour son application. Mais voilà, et nous plongeons ici dans toute la perversité du bonhomme, les législateurs sont ses potes et il va jouer, comme peu de ses collègues pourront le faire, avec les normes et se glisser autant que possible entre les mailles du filet réactionnaire.


Moralité : Claudette Colbert dont on devine la charmante poitrine dans un bain de lait d’ânesse qui se fait rejoindre par une camarade après que cette dernière se soit entièrement déshabillée (on voit les pieds de la demoiselle pendant l’effeuillage). Ou, autre exemple de cette permissivité étonnante, pendant des scènes de jeux du cirque d’une diversité incroyable (tout y passe : éléphants, crocodiles, félins, taureaux, nains…) un ou deux sacrifices de femme ayant pour tout vêtement une liane lascive, livrée à un grand singe lubrique. Comme je vous sens incrédule, je me suis senti obligé de livrer à votre regard concupiscent cette capture d’image équivoque : http://nsm05.casimages.com/img/2012/09/13/1209130610097739410314337.png
Vous en voulez encore ? Pas de problème : il y a aussi cette danse lubrique entre cette reine d’orgies et cette pimbèc… chrétienne rabat-joie, au cours de laquelle la première prodigue force caresses et tentatives de bisous salaces pour essayer de dégeler la seconde.
Oh my pagan god !


Charles Laughton fait le boulot en Néron cramé du carafon, Claudette est relativement impériale (ça tombe bien, c’est son rôle, après tout) et quelques scènes des rues de Rome sont parfois étonnamment réalistes. Sans oublier un final déchirant (bon, là j’en fait peut-être un peu trop) où le héros tente de faire mentir sa bien-aimée dans l’espoir fumeux de lui compter fleurette par la suite (d’où mon titre à tendance graveleuse).


Que des bonnes raisons pour voir ce film, finalement.

Créée

le 13 sept. 2012

Modifiée

le 14 sept. 2012

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guyness

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