Et Carmen dit à son ferrailleur : "Je t'aime parce que tu es beau et mien..."

Et Carmen dit à son ferrailleur : "Je t'aime parce que tu es beau et mien..."

Des bons films sur France 3 ? Ben oui, ça arrive de temps en temps, mais quelle rareté désormais ! Pas vu de meilleur depuis le début de l'année alors qu'on est à une époque où les feuilles tombent ! De bon augure ?

Et une très bonne surprise : Léopold Legrand, dont on ne sait pas grand chose, si ce n'est qu'après avoir appris le montage, étudié l'écriture et la réalisation à New-York,il émigre à Bruxelles à l'INSAS qui, comme chacun ne le sait pas veut dire" Institut Supérieur des Arts du Spectacle"...

Après trois courts métrages, il nous livre ici son premier grand film... Celui qu'il faut faire avec ses tripes disait Melville qui s'y connaissait et parti de rien !

Un curieux mélange d'histoire de gens du voyage marginaux, et dans lesquels va se mêler un couple friqué : chacun est avocat ...

J'avais déjà apprécié cette série éphémère du "Gitan" sur la même chaîne je crois, mais ici, Legrand a réussi à m'émouvoir, me toucher même...

Ici l'un de ces nomades , ferrailleur, déménageur et bon à tout faire pour gagner trois francs six sous, a bien des difficultés à faire vivre sa famille de cinq enfants dans un camp de gens du voyage, avec sa petite famille de cinq enfants, lorsque sa femme lui annonce qu'elle en attend un sixième : même si c'est un don de Dieu, c'est la cata sur le plan des finances et de prise en charge de cette âme supplémentaire !

D'obédience catholique, la future maman se refuse à avorter... Dans le même temps, son mari secourant un pote dont le camion est tombé en panne, recharge dans le sien de la ferraille mais elle a été volée... Avant d'avoir un accident de la route qui transforme en épave son seul moyen d'existence ! Comme si ça ne suffisait pas, la maréchaussée l'embarque comme recéleur...

Il y a des jours bien sombres comme ceux-là où on ne voit jamais la fin du tunnel !

Le gitan va être défendu par un jeune avocat dont le couple ne peut lui, et à contrario, procréer...

Des liens entre la famille gitane et celle du défenseur vont se tisser : l'une est faite pour aider l'autre et va naître entre eux un troc tacite pour contribuer à améliorer le sort des deux....

Ce sont les femmes qui ont monté ce coup et les hommes doivent bien se résigner... L'avocate va simuler sa grossesse, et se faisant passer pour la sœur de la gitane, va assister à l'accouchement...

Mais la supercherie va être découverte par la justice....

Long travail de préparation ? Touché par la grâce de la création ? Legrand croit à son histoire et arrive à nous tremper dans une ambiance étrange et angoissante ou deux mondes aux antipodes l'un de l'autre vont s'intégrer..

Réalisation très bien faite, mais les bonnes fées se sont décidément penchées sur le reste du film lui-même : cette histoire aurait pu être banale : le sujet a déjà été traité, et de nombreuses fois, mais ici s'ajoute un casting aux petits oignons dont les comédiens font mieux que jouer : ils vivent cette histoire et la rendent crédible... Sara Giraudeau nous offre ici une de ses meilleures compositions, toute de discrétion !

Empreinte de cet effacement d'elle-même, elle va cacher une détermination sans faille à devenir mère surnaturelle, mais je ne vous en dirai pas plus !

Une première œuvre n'est jamais exempte de défauts : la musique est épouvantable, lugubre, funèbre et pour tout dire, superfétatoire...

Or ce n'est quand même pas à un enterrement qu'on assiste, mais quand même à une naissance qui finit toujours par être une bénédiction, surtout dans un monde qui vieillit et s'encroûte dans l'égoïsme et l'individualisme...

Je ne connais pas le mode social de vie des gitans en France, mais ne touchent-ils pas d'allocations familiales ? Pourtant, le chef de famille rédige bien ici une déclaration d'impôts ?

On se demande aussi jusqu'à quel point un ménage aux revenus aisés ne pourrait pas légitimement parrainer une famille qui risque de s'auto-détruire.... On soulignera la vanité ici des structures sociales bien peu attentives : que de centres "dits" sociaux ne sont pas ouverts en permanence dans des mairies de villes, même importantes ! Quant à la considération qu'ils manifestent vis à vis de malheureux, souvent plus fonctionnaire qu'altruiste, elle est loin d'être empathique ! Heureusement, il existe des exceptions où les maires veillent...

On se demande aussi l'intérêt du pitbull borgne qui n'apporte rien ?

On s'amuse de voir qu'au moment de couper le cordon ombilical du bébé, les ciseaux ne coupent pas et qu'il faut s'y prendre à deux fois ! Inquiétant sur l'état du matériel...

Une grâce aura été refusée à ce film poignant : sa publicité et sa distribution ? Elles n'ont attiré que 92 050 spectateurs en France... Il méritait mieux...

Pour terminer sur un sourire : vu ce courrier destiné aux allocations familiales : "J'attends un énième enfant, et bien que nourrissant mon enfant au sein, je n'arrive pas à joindre les deux

bouts !

France 3 le 22.09.2025-