Et pour ce soir :


Le Sommet des Dieux, 2021, de Patrick Imbert et Magali Pouzol, avec les voix de Damien Boisseau et Eric Herson-Macarel.


Synopsis ascensionnel : Fukamachi, un photographe alpiniste travaille pour un magazine où il vend ses photos de la montagne et de ces groupes qui tentent de gravir les montagnes. Ses derniers travaux le laisse néanmoins de marbre. A Katmandou, il tombe par hasard sur un homme qui lui propose de lui acheter l'appareil photo de George Mallory, un anglais qui a tenté l'ascension de l'Everest en 1924 et qui est mort à quelques centaines de mètre du sommet. Fukumachi n'y croit pas et envoi chier le gars. En sortant du bar, il entends une altercation et tombe sur un type qui agresse le vendeur en lui demandant de lui rendre l'appareil photo. Cet homme, Fukamachi croit le reconnaître. C'est Habu Jôji, un alpiniste exceptionnel mais avec un sale caractère. Le type avait disparu des années. Pour Fukamachi, c'est l'occasion d'enfin reprendre du plaisir dans son travail. Ainsi commence la quête pour comprendre qui est Habu, où a t-il retrouvé l'appareil photo, et est-ce qu'il va pouvoir répondre au mystère "George Mallory a t-il atteint le sommet pour la première fois en 1924 ?"


J'adore Jiro Taniguchi. Paix à son âme, ce mangaka était de loin mon préféré. Son trait tout en délicatesse, ses thématiques mordant la mélancolie et la quête de soi me parlent toujours autant aujourd'hui. Alors, quand j'ai eu écho que le Sommet des Dieux, un de ses manga (basé sur le livre de Baku Yumemakura), allait être adapté par des français en animation, j'étais aussi impatient qu'inquiet (CF l'adaptation de Quartier Lointain). La critique de Cham m'a plutôt rassuré, j'ai donc du attendre que le film sorte en BR pour pouvoir le voir. J'ai profité de la Saint Valentin pour enfin le voir, et...


Bah c'est super bien. Le film se raconte comme une simili enquête policière pour retracer qui est Habu et, à travers lui et le mystère Mallory, de comprendre ce qui animes ces femmes et ces hommes à tenter l'inimaginable pour aller aux sommets d'endroits hostiles que sont les montagnes. Ma dernière expérience de ce genre de truc était Everest que j'ai vraiment pas aimé, mais Le Sommet des Dieux a pour lui de raconter l'histoire avec une certaine pudeur, comme s'il ne voulait pas mettre ses héros sur un piédestal. Au contraire, ils sont seuls, ils sont incompris par leurs congénères, ils ne cherchent pas à savoir pourquoi ils prennent tous ces risques, ils savent jusqu'ils en ont besoin. C'est ce qui les caractérises.


Il y a de vrais moments de terreur dans ce film, pour un mec comme moi qui a peur du vide et un vertige à en crever. Et voir ces gens souffrir dans des zones inhospitalières extrêmes juste parce qu'ils ont besoin de ça pour se sentir en vie me fascine. Le personnage d'Habu est, de loin, le plus fascinant. Surdoué mais égocentrique à sa façon, son évolution tragique le rend proprement touchant, d'autant que ce n'est pas un film très verbeux. Les musiques jouent beaucoup dans le ressenti très mélancolique du film, c'est elles qui expriment le plus.


Et il reste à parler du dessin. Simplifié par rapport au trait de Taniguchi qui était un vrai stakhanoviste du détail, on reconnait néanmoins l'oeuvre du maitre d'origine derrière. Le dessin retranscrit très bien l'immensité des décors, la violence de la montagne tout autant que sa beauté. L'alternance entre Tokyo et Katmandou est très agréable à voir, les couleurs changent pour aller sur plus de chaleurs, alors qu'on vire vers les extrêmes négatifs en s'approchant du Sommet des Dieux. Le vrai personnage principal du film, ça reste la (ou plutôt les) montagne(s). Elles ne s'offrent qu'aux plus courageux et préparés.

Le Sommet des Dieux, c'est la retranscription d'une idée, ce besoin inexplicable d'aller toujours plus haut, toujours plus vite, avec toujours plus d'handicap, ce besoin qui ne les maintient pas en vie en réalité mais les fait exalter une vie qu'ils n'échangeraient pour rien au monde. Qu'ils ne connaissent plus que ça, que la fadeur du quotidien les empêche d'être ce qu'ils veulent être, jouir de ce qui les aide à se sentir plus que vivant, existant. Et mention spéciale à la musique d'Amine Bouhafa, c'est brillant. 8,5/10

Tony_Gendron
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Créée

le 28 nov. 2022

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Tony Gendron

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