Plastiquement ce film touche au suprême, somptueusement photographié et d'une réalisation de très haut calibre de la part d'un cinéaste exilé qui revient sur sa terre d'origine.


Douglas Sirk, né à Hambourg, filme une Allemagne fantomatique sous domination nazi, où les humains tentent de continuer à vivre tout en sachant qu'ils sont en sursis.


Le film commence par une scène remarquablement mise en scène montrant des soldats allemands sur le front russe. La photographie est d'emblée saisissante de beauté et de pureté. Le chef opérateur Russell Metty réussit là une performance de très haut niveau. Perfection de l'image, couleurs chatoyantes et parfaite mise en abîme. C'est saisissant de beauté.
Mais ce n'est pas que graphiquement que Le Temps D'aimer et Le Temps De Mourir est une grande œuvre à la thématique inépuisable, sujet universel et que l'on peut appliquer à toutes les époques, donc intemporel, c'est le regard désabusé mais non dénué d'espoir, même si vain, d'un cinéaste qui revient sur ses terres pour y dresser un constat un peu désabusé entre passion et nostalgie pour sa terre natale et perte de repères face à l'inéluctabilité d'un système politique qui anéantit tout espoir de futur.


D'ailleurs le film semble figé, comme si le temps n'avait plus d'emprise, montrant un pays dévasté où les gens continuent à faire comme si tout allait bien.


En plus d'un mélodrame à la romance justement dosée, Sirk étant et demeurant le chantre absolu du genre, ce film est un remarquable plaidoyer sur le vivre au présent et sur l'effort que chacun doit faire pour continuer à entretenir cet espoir. Car comme le dit l'un des nombreux personnages secondaires de l’œuvre, un vieux militaire enjoué malgré sa blessure, " il est plus facile de mourir que de vivre". C'est donc d'un appel à la vie qu'il s'agit, et surtout du continuer à vivre et d'entretenir les rêves de lendemain chantant, malgré les horreurs d'une guerre qui anéantit les espoirs de lendemain.


Le regard désabusé et torturé d'un auteur exilé qui porte un regard juste sur un pays à la dérive. Une œuvre remarquablement photographiée à l'image emprunte de pureté et de beauté.

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le 18 mars 2016

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