Le Vent se lève par Sarah Lehu
Le voilà ! Le onzième et dernier film du maître du cinéma d'animation japonaise Hayao Miyazaki. Après avoir enchanté les petits et les grands depuis plus de vingt ans avec des films toujours plus créatifs et empreints de rêves, le mangaka et réalisateur nippon tire sa révérence et signe avec Le Vent se lève l'un de ses films les plus personnels.
Par bien des aspects nous y retrouvons l'esprit et l'univers de Miyazaki : la qualité des dessins et de l'animation est incontestable et le thème du rêve y tient à nouveau une grande place.
Miyazaki a vécu le traumatisme de la seconde guerre mondiale et de la bombe atomique lorsqu'il était enfant. Ayant vécu dans un pays touché de plein fouet par la guerre, ce thème a traversé une grande partie de son oeuvre (Nausicaä de la vallée du vent, Porco Rosso ou encore Le château dans le ciel). Une nouvelle fois, Le vent se lève parle de cette guerre qui en est d'ailleurs le sujet central.
Beaucoup plus réaliste (ici pas d'animaux magiques, de châteaux-volants etc.), le film se concentre sur le destin de Jiro qui dès l'enfance est fasciné par les avions. Malheureusement, le garçon est myope, il ne peut donc pas devenir pilote. Il décide alors de tout faire pour devenir ingénieur aéronautique. Déterminé et excessivement doué il est employé par une importante entreprise d'ingénierie.
Passionné par son métier et par son rêve de voir voler un jour une de ces inventions, Jiro ne se laisse abattre par rien, toujours inspiré par le concepteur italien Giovanni Caproni, parfois au détriment des personnes qui lui sont chères, sa petite sœur, son collègue Honjo ou encore l'amour de sa vie, Nahoko, atteinte de la tuberculose. S'il avait su que ses merveilleux avions allait devenir des armes destructrices, Nahoko aurait peut-être vu sa vie autrement... mais comme l'a bien compris Miyazaki qui cite à plusieurs reprise l'auteur français Paul Valéry : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre »
à tout prix, parce que la vie est belle, quoiqu'elle nous fasse subir.
Le vent se lève se place comme une pièce maîtresse dans l'oeuvre de Miyazaki. Le réalisateur clôt de la plus belle manière qu'il soit sa carrière en replaçant l'aviation, chose qui l'a toujours passionné, au centre de son histoire qui entremêle durant un peu plus de 2 heures rêve personnel (celui de Jiro) et faits historiques de l'histoire du Japon (le tremblement de terre de 1927, l'épidémie de tuberculose, l'entrée en guerre du Japon) révélant une nouvelle fois son aversion pour la machinerie de guerre qui détruit les plus doux rêves.
Les images du film sont toujours accompagnées de musiques qui nous emportent dans ce rêve éveillé et qui ont, depuis ses premiers films, participé au succès international du réalisateur.
Beaucoup de séquences du film sont empreintes de nostalgie, à l'image du personnage de Nahoko qui, se sachant mourante, redoute le moment où elle ne pourra plus tenir la main de Jiro lorsqu'il dessine ses merveilleux avions. La lente mort d'une rêveuse annonce également la lente mort du rêve de Jiro avec l'arrivée de la bombe atomique et la destruction de tous ces beaux avions qu'il a conçu.
Alors oui, le parallèle peut sembler facile, et beaucoup verront dans le personnage de Jiro, Miyazaki lui-même qui a consacré toute sa vie à ses films, sûrement au détriment de sa vie personnelle d'ailleurs, mais la magie de Miyazaki réside en cela : faire résonner en nous les thèmes les plus universels (l'amour, la guerre, le rêve...) mais les mettre en image d'une façon unique.
Beau et triste à la fois, c'est ce qui résume le mieux la fresque historique peinte dans Le Vent se lève.