"Le vent se lève" est un film-testament.
Bien plus qu'une transmission de questions fondamentales sur ce qu'est la vie, le grand maître Hayao MIYAZAKI finit sa carrière de cinéaste avec ce qu'il a toujours voulu commencer et rêver de faire comme son personnage Jiro Horikoshi : construire des avions.
L'enfant quittant sa famille afin de réaliser son ambition malgré les obstacles du monde adulte est un des thèmes omniprésents de sa filmographie. Ceci rejoint une autre image : le vent et ce qu'il peut amener sensoriellement au récit. Ce dernier est synonyme de destin puisqu'il le prouve en faisant voler le chapeau de la femme ou un avion en papier de l'homme, l'un arrivant vers l'autre.
Dans une scène comique mais émouvante, la demande directe de fiançailles entre le protagoniste et le personnage féminin Naoko reste pourtant mémorable sous des visages simples et calmes tracés comme si cet amour était prémédité.
Le vent est le "personnage" par excellence : il peut, par la dangerosité de sa nature, déclencher un séisme à travers le parcours de notre ingénieur mais se révèle être, parfois, d'une grande compagnie onirique envers Jiro et son maître Caproni, ces deux funambulistes ne manquant pas de tomber sur l'aile d'un avion, avançant dans les airs. Comme l'affirme Lewis CARROLL ("Alice au pays des merveilles" a été une des inspirations pour "le voyage de Chihiro") : " Une phrase et sa signification répétée trois fois : cela devient vrai ". La citation de Paul VALERY : "Le vent se lève, il faut tenter de vivre" est clair par sa résonnance assidue, tenant remarquablement la structure du long-métrage, néanmoins, sans être imposante.
Ainsi, il faut vivre. Mais pour un des plus grand réalisateurs mondiaux, sa passion, similaire à celle du jeune Jiro dans ce petit chef d'oeuvre sincère, connaîtra les obstacles tel que la guerre ou la perte d'un être cher... Un des plans résume cette conception en une durée très minime : ayant la tuberculose, Naoko, crache du sang sur sa toile de peinture. Y-a t-il, comme dans une image similaire à 'Hana-bi' de Takeshi KITANO (1997), une dévotion si grande à l'art qu'elle en devient même de la souffrance ? (Par ailleurs, Miyazaki aurait témoigné à des étudiants américains qu'il saignait du nez dès qu'il imaginait trop fort)
L'ingénieur italien Caproni imaginé par notre héros mais qui a existé dans notre monde, déclare que l'on se consacre véritablement dix années aux projets et à ce qu'ils peuvent apporter. MIYAZAKI, lui, nous aura ébloui plus de quarante ans et d'après quelques réponses d'interview, il continuera de dessiner.
Certains peuvent être déçus par le réalisme du film, étant une nouveauté par rapport à ses créations précedentes.
Il ne faut pas. Lors d'un extrait montré durant la Seconde guerre mondiale, des policiers allemands sont perçus par leur silhouettage presque féerique, projeté sur les murs. Le cinéaste se sert de cette réalité historique afin de la malaxer à son souhait comme le travail d'un sculpteur ou le métier du personnage principal : élaborer des formes pour des fins personelles. La musique de Joe HISAISHI clôt ce chapitre cinématographique qui restera gravée dans les générations à venir : paisible durant le malheur et la pluie qui tombe. (cela nous rappelle les pleurs de la vieille Sophie sous la pluie et ces notes de piano jouées délicatement dans "Le chateau ambulant". Ce jeu de mélanges témoigne de la sagesse d'un grand peintre mais avant tout d'un grand enfant.