Le Voyage de la Licorne
6.5
Le Voyage de la Licorne

Téléfilm de Philip Spink (2001)

De qualité, éloquent et divertissant ! Quoi de plus ?

Cela faisait vraiment longtemps que je ne m'étais pas retrouvé devant un film. Enfin si, mais pas devant un film de Fantasy. D'ailleurs, en parlant de ça, la catégorisation (véritable fléau dont j'essaye de me détacher mais qui demeure une bonne excuse pour me faire faire des introductions gigantesques) me semble une nouvelle fois perplexe ; pour changer. Si l'on reconnaît le caractère Fantastique de l’œuvre d'aujourd'hui - Le Voyage de la Licorne, j'aime à penser qu'il s'agit d'un divertissement se rapprochant du Monde de Narnia et que par conséquent, on est sur une œuvre de type Low Fantasy (qui propose une connexion entre le monde réel et un monde imaginaire) avec, pourquoi pas, une teinte de Fantasy Mythique, vous allez vite savoir pourquoi.
Autrement, nous avons devant nos yeux Le Voyage de la Licorne, apparemment une mini-série de... deux épisodes pour un total de près de 3 heures. Sorti en 2001, ce film - téléfilm, je ne sais pas comment le définir - réalisé par Philip Spink (inconnu au bataillon) et adapté du roman Voyage of the Basset de James C. Christensen (également inconnu au bataillon) m'a quelque peu retourné la tête, pour la simple et bonne raison que, en plus de tous les éléments critiquables qu'un film de seconde main (à petit budget quoi) trainent derrière lui, j'ai eu l'impression de croiser énormément de références à des films qui seront ultérieurs à celui-ci. De quoi me faire froncer plusieurs fois les sourcils. Quoi qu'il en soit, ce divertissement étonne sur plusieurs points et je m'en vais l'expliquer !


Alan Aisling est un professeur d'université récemment veuf qui tente de faire approcher la mythologie à ses élèves par l'imagination, ce que certains de ces collègues critiquent. Une nuit, des créatures fantastiques font irruption chez lui avec pour mission de le tuer, ses deux filles et lui. En cherchant à s'échapper, la famille rencontre un navire venu à leur secours : La Licorne.
Pas plus de spoil !


Et comme de nombreux films de la dernière décennie, voire même de la fin du XXe siècle (il y a 21 ans en gros), dès l'instant qu'ils baignent dans le genre de la SFFF, on retrouve, du point de vue de l'intrigue, des messages récurrents mais qui gardent un certain charme pour les films de ce gabarit. L'importance donnée à l'imagination et au rêve est omniprésente. Enfin, surtout durant la première moitié du film. Une mouvance qui suit toutes les productions du même type que L'Histoire sans Fin ou autre Le Secret de Térabithia où, cette fois-ci, le discours du parent partisan de ce genre de propos concernant le "devoir" d'imagination avant la connaissance brute semble plus important qu'à l'accoutumée ; sans parler de ce "cliché" de la découverte d'un monde imaginaire par l'absence ou la mort d'un parent proche.
Passé ces détails qui font tout de même plaisir en un sens, que vaut bien l'histoire ?
Il va sans dire que pour un film de ce gabarit, surtout pour une durée aussi longue, on peut s'attendre à une petite catastrophe... Mais que nenni ! Pour ce film, l'intrigue est sympathique, bien que déjà vu auparavant : des humains, tout ce qui a de plus normal, débarquant dans un monde magique, cela n'étonne plus personne dès lors que le scénario prend cette voie mais l'ensemble demeure assez logique dans sa construction bien que ce soit l'aspect prophétique du scénario qui donne le ton et la vitalité de ce divertissement. Et avec ces quasi 3 heures de film, il faut bien admettre une chose : si on demeure assez attentif (et impliqué) dans l'histoire malgré quelques séquences de calme plat, on a l'impression que plus on avance et plus le film ne sait pas comment clore son histoire, ce qui nous donne une conclusion... pas faite ? Ce n'est même pas une fin bâclée à ce stade, c'est réellement quelque chose d'inexistant voire, si on veut vraiment être (mal)honnête, une formule de facilité extraordinaire qui nous prouve que les scénaristes eux-mêmes n'avaient pas que ça à faire de l’œuvre originale (à moins que le roman original ne soit pas lui-même fini...). Concrètement, l'intrigue se résume à sauver le monde féerique en empêchant les antagonistes - une horde de Trolls - de mettre la main sur un artéfact magique et ainsi, restaurer la paix dans ce monde imaginaire. Un scénario donc basique mais efficace durant lequel de nombreuses bonnes idées sont développées : l'apparition et le jeu des différentes créatures mythologiques à l'instar du Minotaure, de Méduse, du Sphinx... (dont la principale intéressée déclare que son énigme est un peu vieillie ; du génie enfantin bienvenu !). Des séquences sympathiques donc qui offriront quelques scènes amusantes - le film se veut bien entendu familial ; il ne faut donc pas s'attendre à des enjeux extraordinaires - couplées à de nombreux rebondissements, plus ou moins bien incorporés à la trame scénaristique, jusqu'à la bataille finale qui ne manque vraiment pas de panache (pour une production de cette taille, encore une fois).
Alors mon dieu ?! Pourquoi proposer une telle conclusion avec une telle logique proche du zéro absolu ? On a vraiment l'impression d'avoir regardé 2 heures durant une odyssée qui n'aura servi à rien puisque la structure narrative n'aura plus de sens à cet instant...
Hormis ce point délicat parsemé d'éléments finaux discutables, c'est une histoire - qui certes suit de grandes lignes redondantes faites de voyage en bateau, découverte d'un lieu fantastique, de la rencontre d'une créature, d'une alliance, d'un voyage en bateau... - qui a le mérite d'être plaisante à suivre, que l'on soit enfant ou adulte (quand bien même de nombreux détails demeurent assez illogiques), le côté magique mignon et l'aventure "carrée" épique servant absolument l'immersion des spectateurs.


Concernant les personnages, nous en avons une ribambelle donc certains... c'est franchement discutable. Commençons par le trio : le professeur et ses deux filles. Nous entrons dans l'archétype de la famille perdu dans un monde féerique avec le père qui oscille entre une volonté de faire taire tout ceci et un désir d'en apprendre plus (ce qui aurait pu être consolidé avec sa pédagogie d'enseignement ; dommage que ce ne soit pas le cas), la cadette avec le "syndrome Lucie Pevensie" au cœur d'or, à la bonté suprême, qui devient amie avec tout le monde et qui adhère directement au monde fantastique alors que l'ainée se retrouve avec le "syndrome Susan Pevensie" : une certaine réticence à l'imaginaire, un peu plus ancrée dans la réalité et, mon dieu, qui a une tendance à nous crisper en un temps record avec ses déclarations ou sa manière d'être (bien qu'elle soit à l'origine d'une des scènes les plus audacieuses du film ; on va y venir). Après, nous avons tous les adjuvants qui se résument en toutes les créatures que la famille rencontre et joint à son périple. Si certains sont sympathiques à suivre, je dois avouer que le personnage de Méduse, si elle a quelques bonnes scènes à son actif, me semble d'une inutilité extraordinaire : elle ne sert à rien tout le long du film si ce n'est balancer deux-trois phrases "philosophiques" "intéressantes", à se manger tous les gourdins des Trolls et ainsi passer une bonne partie de son temps assommée ou encore à apporter le malheur à ses amis. Sans oublier son apparition finale complètement déphasée et sans aucun intérêt. Voilà !
Une petite mention spéciale pour la licorne (pas le navire, la créature) de couleur noire ; il faut bien avouer que normalement, on a toujours l'apparition d'une licorne blanche.
Après les adjuvants primaux, nous avons ceux plus secondaires, notamment les souverains du monde féerique Obéron et Titania qui possède des personnalités intéressantes mais sans plus, rien de très transcendant. Arrive enfin les antagonistes, tous des Trolls, très formatés avec cependant quelques écarts bienvenus.
Dans l'ensemble, les personnages sont assez charismatiques pour plaire aux plus petits et parfois assez profonds pour ne pas laisser les plus adultes d'entre nous s'endormir ou s'ennuyer.


Maintenant, parlons des effets spéciaux.
Bon... Rappelons-le encore une fois : c'est un film pour enfants, à la limite du téléfilm, voire même à faible budget. Ça n'excuse pas forcément grand chose mais dès ces mentions, il ne faut pas s'attendre à des effets extraordinaires à la Le Seigneur des Anneaux (pour citer un autre film de la même année choisit complètement par hasard). Donc, nous avons des sortilèges sympathiques mais clairement pas extraordinaires qui vont rejoindre les mêmes problèmes que les petits esprits féeriques que l'on peut apercevoir dans le royaume de Obéron et Titania : les incrustations sont vraiment limites ; et heureusement que l'on s'est limité à une scène - à croire que ce film savait ces effets spéciaux limites et a préféré tout miser sur les costumes. Et en parlant des costumes, je dois avouer avoir été agréablement surpris. Ce n'est pas du grand art mais à de nombreux endroits, ça fait complètement l'affaire : du Minotaure en passant par la coiffe de Méduse, à l'apparence cervidée de Obéron jusqu'à, bien entendu, les Trolls. C'est du fait main pur et dur mais bon dieu, c'est de la qualité - je me répète - pour un film de ce gabarit (bien que l'on puisse remarquer quelques exagérations comme les oreilles de la fée Titania), à l'image un peu des costumes de Legend. Et poussons un peu la comparaison du film de Ridley Scott avec les décors : le royaume féerique a un véritable charme même si l'on peut admettre que l'ensemble est assez brouillon, bazar. Bon, on aura également des incrustations, de qualité plus que moyenne, mais dans l'ensemble, on est plutôt surpris par le travail proposé.
Une mention spéciale à une séquence entière, celle de l'attaque du navire par un serpent géant, qui joue sur un parallèle entre ballet et jeu de marionnettes. Très franchement, une des plus belles séquences que je n'ai jamais vu de ma vie, couplée à une musique presque hypnotisante. Sincèrement, on pourrait presque recommander ce film rien que pour cette scène qui vaut le coup d’œil, sans la moindre hésitation.
En bref, nous avons des effets spéciaux assez moyens qui, fort heureusement et à contrario de certains films bien "connus" (Lords of the Dragon ou encore Merlin et la Guerre des Dragons), laisse respirer le film en limitant au maximum les séquences où on utilise ces effets. Ce film contre-balance surprenamment avec des costumes de qualité, normalement fléau de ce genre de production télévisuelle. Ce n'est pas immonde même si on aurait, j'en suis convaincu, pu faire doublement mieux.


Les combats à présent : si l'ambiance guerrière est plutôt bien retranscrire sur les plans larges, force est de constater que c'est vraiment limite sur les plans rapprochés où il faut faire attention à ne pas blesser l'acteur en face de soi et à ce compte-là, deux solutions : ou on frappe doucement, ou on ne fait que courir/fuir. Ce qui donne des séquences plus comiques qu'autre chose malgré des trouvailles que l'on peut saluer dont cette alliage - une fois n'est pas coutume pour une production de ce gabarit - de plans larges et serrés qui offre vraiment une profondeur aux séquences de combat. Les duels maritimes sont également bien pensés, mais là encore, dès l'instant où la caméra zoom pour cibler un combat, un harponnage en particulier, on bascule presque dans du burlesque ; à croire que le film aurait été vraiment épique si les séquences de combat auraient uniquement filmé de loin (et encore, parfois, mieux vaut pas trop s'attarder). Néanmoins - après, ça vaut ce que ça vaut et puis, c'est totalement subjectif - ce sont des combats (j'entends les abordages) du même style que j'aurais voulu observer dans Le Monde de Narnia : L'Odyssée du Passeur d'Aurore, c'est dire !
Dans l'ensemble, on demeure sur des affrontements sympathiques, si on écarte les moments de ralenti indigestes et profondément inutiles lors de la bataille finale.
N.B. : j'ai été surpris de contempler, lors de la bataille finale, un duel entre le professeur et le chef des Trolls sur une roue en mouvement d'un moulin à eau, ce qui n'a pas été sans me rappeler le film Pirates des Caraïbes : Le Secret du Coffre maudit, pourtant sorti en 2006. Source d'inspiration méconnue ? Allez savoir...


A présent, pour les lieux et décors (même si on en a déjà touché plusieurs mots précédemment), on est surtout sur des plans marins, donc la mer à perte de vue. L'autre moitié du temps se partage diverses îles sans forcément avoir énormément de magie à proposer, hormis le royaume de Obéron et Titania ainsi que le jardin de la licorne (encore une fois, l'animal) : au reste sur des lieux assez prosaïques, très loin d'être enchanteurs.


Avant de conclure, ce film m'a vraiment étonné à plusieurs moments, notamment dans les références que j'y voyais ; est-ce le fait d'avoir trop regardé de films et surtout, ces références sont-elles voulues (quand bien même ce film est antérieur aux exemples que je m'apprête à énumérer) ? Car nous pourrons retrouver, bien évidemment, la partie odyssée du Monde de Narnia : L'Odyssée du Passeur d'Aurore, le combat sur la roue du moulin à eau qui rappelle fortement Pirates de Caraïbes : Le Secret du Coffre maudit, de nombreuses similitudes avec les films Le Seigneur des Anneaux (le camp Trolls qui ressemble étrangement à l'Isengard ou encore la diversion des deux petits êtres de la Licorne pour mettre des ennemis à leur poursuite et permettre à une des héroïnes de fuir)... sans citer les innombrables petits détails "clichés" qui sont moins surprenants dans ce cadre. On pourrait même citer l'inspiration de la bande dessinée Tintin et le Secret de la Licorne pour ce qui est du titre.
N'empêche, des questions peuvent se poser.


Le Voyage de la Licorne est tout bonnement incroyable ! Il va sans dire que c'est un des divertissements les plus agréables que j'ai eu l'occasion de visionner depuis un petit moment (en même temps, ce n'est pas compliqué, cela fait longtemps que j'ai arrêté de regarder des films). Très franchement, pour un film familial, il est tout simplement extraordinaire, ce qui mérite amplement une chaude recommandation ! On pourra critiquer, au même titre que les petits défauts développés précédemment, une durée un peu longue (surtout pour des enfants) et pas forcément de transition entre le premier et deuxième épisode (il a été vendu comme une mini-série mais n'en a absolument pas l'air...). Néanmoins, il demeure un excellent divertissement de très bonne qualité, si l'on devait le comparer à certains grosses productions actuelles. Il n'y a pas à hésiter une seule secondes !
Et n'oubliez pas que la Fantasy nous appartient !

PhenixduXib
7
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Créée

le 27 mai 2021

Critique lue 458 fois

PhenixduXib

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