Contrairement à beaucoup, j'étais resté passablement sur ma faim après Django Unchained, plutôt fun à de nombreux endroits mais globalement assez faiblard et mal fichu à d'autres. J'appréhendais donc un peu ce retour au western, Tarantino excellant dans le genre quand il n'en fait justement pas (Inglorious Basterds). Coup de bol : Hateful Eight n'est pas un western mais un film d'horreur en bonne et due forme.


Le doute était permis avec cette statue de Christ en gros plan, rappelant furieusement l'intro de Big Red One (et on connaît l'amour de Tarantino pour Samuel Fuller), mais il ne faut pas se tromper : le nouveau QT reprend bien vite tous les codes du film d'horreur, de la cabane isolée à la menace en interne, de la diligence et ses "autostoppeurs" (indétrônable depuis Massacre à la tronçonneuse) jusqu'aux scènes de tortures gore des corps. Hateful Eight, c'est The Thing, indiscutablement (Kurt Russell, la neige, la menace invisible, la paranoïa) mais aussi Evil Dead, thématiquement et formellement (ce magnifique travelling depuis le toit, au-dessus des poutres).


Et surtout, Tarantino s'amuse avec les mots, ce qu'il avait oublié de faire la dernière fois : pas d'action ou très peu, tout passe par les dialogues ici. Et quelle plume ! Bon, je pinaille, mais je trouve que les deux derniers chapitres sont en-dessous du reste, mais force m'est d'admettre que l'ambiance tendue et paranoïaque que crée Tarantino est tout simplement admirable, aidé par une grandiose partition signée Morricone (à mi-chemin entre l'ironie du western spaghetti et le côté dark de The Thing d'ailleurs). Ce qui n'empêche pas l'humour de survenir régulièrement, telle une bouffée d'air dans ce climat anxiogène. Outrancier, le film l'est savoureusement, alignant caricatures rigolotes et gags à répétition en provenance directe de l'époque du burlesque (le gag de la porte), comme pour prendre encore et toujours de la distance avec la violence graphique du film, ce que QT a systématiquement fait depuis ses débuts.


Bien sûr, on pourrait trouver plein de défauts dans ce film, en particulier le fait que Tarantino semble se reposer sur ses acquis, tourner en roue libre. Mais quels acquis, quel talent ! Si le film ne brille pas par son originalité, il scintille par sa maîtrise et une formidable audace, celle de proposer aujourd'hui un film qui prend son temps, pose ses personnages et offre un divertissement davantage cérébral que visuel.

Cinemaniaque
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le 31 janv. 2016

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