Le pardon est une affaire d'humilité, de patience et de courage.


-Il est un peu inquiet sur ton sujet. Maintenant que Laura et toi allez vous marier. Car vous allez vous marier ?
-Glyn ça m'en a tout l'air oui. Alors de quoi ce brave homme a-t-il peur ?
-Et bien je crois qu'il sait qui tu es, où devrais-je dire qui tu étais.
-Et sait-il qui tu étais toi ?
-Non.
-Et quand il l'apprendra qu'est-ce qu'il fera ?
-Absolument rien s'il s'aperçoit que j'ai changé.
-Mais non tu n'as pas changé. Est-ce qu'il voulait changer ? C'est pour ça que je te trouve idiot de leur laisser tout ce ravitaillement et après quand il sera arrivé au campement ils te paieront avec un grand remerciement. Et un jour ils apprendront que tu es, le fameux McLyntock qui pillait le long de la frontière du Missouri et ils te flanqueront dehors.
-Possible.



Les affameurs (Band of the river) est un western original dans sa proposition que j'aime beaucoup, réalisé par Anthony Mann à qui l'on doit cinq westerns avec le comédien principal. Avec cette œuvre le cinéaste démontre l'antithèse d'une personne au travers d'un parcours basé sur la rédemption métaphorique, celle de Glyn McLyntock incarné par l'excellent James Stewart ancien bandit de la frontière du Missouri devenu le convoyeur éclaireur de caravanes de plusieurs familles en quête de la terre idéale pour construire une nouvelle vie.


Les affameurs présente une intrigue réfléchie et constructive qui au fur et à mesure du récit s'intensifie pour gagner en complexité psychologue. Une construction fondée sur la dualité physique mais aussi sur la confrontation idéologique intérieur par laquelle le personnage central doit passer pour faire face à sa nature profonde.


Un ancien malfaiteur Glyn McLyntock voulant s'affranchir définitivement de son passé représenté par son compagnon de route Cole Emerson joué par un Arthur Kennedy profondément marquant pourvu d'un certain charisme. Le point névralgique ce situe là, laissant le reste secondaire, car ce ne sera qu'après s'être débarrassé une fois pour toute de son aspect noire qu'il pourra ressortir lavé de son passé.


En cela l'excellente scène finale dans la rivière est une traduction à la résultante parfaite adroitement mis en scène.


Stewart ressort purifié et blanchi de ses crimes après le duel de fin face à son alter ego dans la rivière pure et scintillante où celle-ci fait office de purification faisant ressortir le héro de ses courants définitivement vierge absous de tous ses péchés.


Clair comme de l'eau de roche.


En cela l'histoire s'avère sophistiqué captivant la tension par ses nombreuses séquences d'exactions mais surtout par le comportement des protagonistes.


L'arrivée de Cole dans le récit est d'une importance primordiale pour McLyntock qui se reconnaît dans ses agissements, devenant de véritables amies dans la confrontation jusqu'à la fracture brutale, pour cause d'un sens morale qui pour les deux ne résonnent pas pareil et conduira à leurs affrontements malgré ce respect mutuel.


Le point fort de ce long métrage vient l'écriture des personnages qui est un véritable délice à découvrir au fur et à mesure que l'histoire avance tant elle est pleine de complexité.


Les divers plans proposés sont de toute beauté. On assiste à quelques plans montagneux profonds et symboliques jouant avec l'horizon et ses étendues d'eaux sauvages inapprivoisées faisant écho à l'incertitude du héros.


Si toutefois vous vous attendez à un western nerveux où le pistolet est constamment utilisé avec une ribambelle de morts vous pouvez passer votre chemin. Certes le film est très loin dans être dénuée présentant tout de même quelques actions assez marquantes notamment au couteau contre les indiens, mais ce n'est clairement pas le spectacle violent de la gâchette rapide qui prend le pas sur le récit, mais bien la construction de ces personnages autour d'un scénario exemplaire sur la confiance et le pardon.


Comme en témoigne la superbe fin venant ressusciter McLyntock à la suite d'une adversité violente avec son jumeau diabolique Cole.


La mise en scène est simplement géniale ! La puissance de la caméra du réalisateur Anthony Mann se traduit par une faculté saisissante accordée à l'importance de l'image au détriment du langage. En effet beaucoup de choses ne sont pas expressément dites, il faut être attentif à l'image qui en dit beaucoup par de simples mouvements.


Exemple au début McLyntock se tient à l'extérieur du cercle familial se maintenant constamment volontairement de côté, guidant et protégeant avec attention et amitié son convoi sans pour autant en faire partie.


Cela traduit rapidement un malaise vu par le spectateur qui à l'impression que quelque chose cloche dans son comportement.


Il faudra attendre la fin du récit pour que celui-ci soit finalement accepté dans le groupe avec la bénédiction de Jérémy Baile le chef de famille incarné par un Jay Flippen convaincant, mais surtout et avant tout par lui-même ne se considérant plus comme une tare pouvant contaminer son environnement. Je réduit tout cela en quelques mots, mais il faut comprendre que bien d'autres points sont à retenir, comme la corruption du coeur humain par le profit et bien d'autres points encore.


Honnêtement on est vraiment pas passé loin du chef-d'œuvre seulement quelques points sont à regretter certes assez mineur au vu du spectacle bénéfique mais tout de même là. Tout d'abord la bande sonore qui n'est pas mauvaise du tout mais porte une tonalité trop aventurière qui ne colle pas vraiment avec le récit démontré. Enfin le final que j'ai certes trouvé magnifique mais qui s'avère un peu trop court. En cela le film aurait pu durer un peu plus longtemps car 1h35 ça passe très vite. Et puis le rôle des gentes dames qui sont totalement réduit en fée du logis, bonne à nettoyer les chemises des hommes. Même si la comédienne Julie Adams s'avère très mignonne cela ne suffit pas en faire une femme forte.


Histoire de ne pas terminer sur un point négatif surtout que le film ne le mérite pas, en plus de tout ce que j'ai pu signaler une réussite totale est à mettre au premier plan entre le comédien James Stewart (McLyntock) et Arthur Kennedy (Cole) qui possède un regard fort de présence. Tous deux livrent une performance marquante où l'amitié se fait bien ressentir ainsi que leurs dualité. Petite salutation pour le comédien Rock Hudson incarnant Wilson la girouette au grand cœur.


CONCLUSION :


Anthony Mann signe ici une œuvre accomplie et subtile pourvu d'un scénario intelligemment construit emmené par une pléiade d'acteurs au top. Une construction scenaristique aux p'tits oignons conférant une aventure pleine de sens et d'affrontement autant physique qu'idéologique.

Les affameurs est un western captivant du début à la fin !


B_Jérémy
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes « WESTERN ! » : classement du meilleur au pire des films du genre, Les bagarres dans les westerns et Les légendes du western 4 : Arthur Kennedy

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le 30 mai 2019

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