Après le politique et le religieux, à quelle institution Tarik Saleh pouvait-il bien s’attaquer pour continuer sa chronique de la déliquescence du pouvoir égyptien ? La réponse, bien évidemment, est à trouver du côté du Saint des Saints de la propagande : le Cinéma. La mise en abîme des Aigles de la République est-elle aussi réussie que les deux premiers volets de la Trilogie du Caire ? Réponse dans cette critique de l’autre côté de la Méditerranée.


Que cherche à nous dire Tarik Saleh avec Les Aigles de la République ? Sans avoir posé les pieds en Égypte depuis plus de 10 ans, le réalisateur basé en Suède fait depuis 2017 le deuil, de manière presque élégiaque, d’un pays qui fut plus qu’il n’est. Pour lui comme pour tous les Égyptiens. ne restent plus au fond que des souvenirs, des images et des odeurs.


Le cinéma comme antidote et poison

Pour Tarik Saleh, le cinéma est un antidote. Il lui permet d’expurger le regret qui le traverse depuis tant d’années : ne pas pouvoir retourner en Égypte. Avec l’espoir de celui qui ne cessera jamais d’y croire, il chronique depuis 2017 la déliquescence d’un régime qui ne se répond plus qu’à lui-même, imperméable aux problèmes de son pays si ce n’est lorsqu’il s’agit d’en mater tout embryon de rébellion ou de critique.


Après le politique avec Le Caire confidentiel (2017) et le religieux avec La Conspiration du Caire (2022), Saleh s’attaque dans Les Aigles de la République à ce qu’il connaît le mieux. Et alors que le cinéma est pour lui un moyen d’expression, il est pour ses personnages un lent poison. Quand on a tout noyauté au point de rendre tout un peuple insensible à la moindre propagande, que reste-t-il à faire ? Il reste toujours le cinéma, cet outil indémodable et indépassable de propagande.


Et dans l’Egypte dépeinte par Tarik Saleh, qu’importe que l’on soit musulman, copte, alcoolique, religieux ou quoi que ce soit d’autre. La seule croyance qui compte, c’est celle de l’Etat et de sa permanence, même si tout le monde sait sans oser le dire que les luttes de pouvoir le déchirent de l’intérieur.


Ce postulat posé, le film commence presque comme une comédie. Quand la réalité rend aussi cynique que ne l’est le peuple égyptien, le rire est la dernière frontière, serait-on tenté de dire. Bien plus léger que dans ses deux précédentes œuvres, Saleh fait de George Fahmy un homme si désabusé qu’il en devient attachant, dans sa maladresse comme dans sa juste analyse des dynamiques de pouvoir qui l’entourent.


Critique de Yacine à lire sur https://cineverse.fr/les-aigles-de-la-republique-tarik-saleh-critique-avis

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le 21 août 2025

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