Jaws est le troisième long métrage de Steven Spielberg après Duel et Sugarland Express. Il est d'ailleurs marrant de constater que Jaws et Duel parlent de personnes confrontées à un « prédateur »: respectivement un camion et un requin géant (détail amusant, c'est l'effet sonore du camion qui chute dans le ravin qui a été utilisé dans Jaws pour la mort du requin- Sorte de clin d'œil de Spielberg à lui-même, sans doute conscient des thématiques en partie semblables des deux films).

Jaws est un film intéressant à plus d'un titre . D'un point de vue historique d'abord, car il est le premier film a avoir dépassé 100 millions de dollars de recette (chiffre ridicule à l'heure actuelle, mais qui était hallucinant à l'époque), il devient, ainsi le premier blockbuster de l'histoire du cinéma. Avec ce film, Steven Spielberg change radicalement la manière dont les studios hollywoodiens envisagent la promotion d'un film et les fait rentrer de plein pied dans cette recette du blockbuster promu à grand renfort de publicité et de bandes annonces passant sur toute les chaines de télévision et ce pour le pire ou le meilleur. Que l'on trouve ça triste ou pas, on ne peut pas nier l'influence énorme de Jaws sur le monde du cinéma.

Pour preuve de son influence à l'époque, il faut se rappeler que Ridley Scott avait présenté son projet Alien au studio comme un « jaws dans l'espace ». C'est ce film qui a également fait de Spielberg le golden boy du cinéma américain de la fin des années 70 au début des années 90.

Mais jaws n'est pas qu'un joli coup de pub, ou une simple entreprise de communication rondement menée.Avant toute chose, Jaws est un classique du film d'horreur et du film de monstre en particulier (je vous conseille la très bonne critique de Gin qui semble avoir la même opinion que moi sur la question) ; la taille démesurée du requin renvoyant directement au fantastique et à des figures mythologique telles que la baleine de Jonas, plus proche, le Moby Dick de Melville, ou encore, le grand méchant loup.

On pourrait même aller plus loin, et dire que Jaws est juste une modernisation de l'histoire classique du dragon dont l'histoire pourrait être résumée comme suit : un dragon mange des habitants d'un petit hameaux, personnes n'a le courage de s'opposer à cette créature féroce si ce n'est un vieux chasseur expérimenté, un jeune sorcier connaissant tout des dragons, et le « sheriff » du village armé de son courage et de sa volonté de vengeance envers la créature (les archétypes du vieux maitre, du savant et du héros altruiste). Mais là ou Spileberg fait très fort, c'est qu'il ancre son récit dans la réalité quotidienne du petit village d'Amity et ajoute une dimension sociale à son film, notamment en y ajoutant une critique politique à peine déguisée, le maire de la ville se souciant plus du commerce que du bien être des usagers de ses plages (si ça vous fait penser à tous les hommes politiques sur la surface de cette planète, c'est normal).

La construction du scénario est elle aussi on ne peut plus classique: l'introduction nous montre la menace, le premier tiers nous fait pénétrer au sein de la communauté d'Amity afin de mieux connaître les principaux protagoniste et de s'y attacher tout en faisant grandir la tension graduellement. La seconde partie fait grandir la tension a travers la multiplication des attaques et les réactions de la communauté à celles-ci. Enfin dans la troisième partie, c'est le voyage vers l'antre de la bête.
Toute les parties de ce film sont formidables, mais je dois avouer que la troisième partie dans laquelle Brody, Quint et Hooper partent en chasse me visse à chaque fois à mon canapé. Même si cette partie est un peu plus orientée action, le passage le plus fascinant est peut-être la mémorable cuite que les trois compères prennent sur le bateau. À travers la comparaison des différentes blessures dues aux attaques de requin, Quint, et Hooper se raprochent, l'homme d'action et de science au départ antagonistes prennent conscience de leurs points communs. Et puis, il y a en point d'orgue de la sequense le monologue glaçant de Quint à propos de son expérience traumatisante lors du nauffrage de l'USS Indianapolis.

Il faut bien sur souligner la grande qualité d'interprétation de Roy Sheider, Richard Dreyfuss et de Robert Shaw dans les rôles respectifs de Brody, Hooper et Quint.

Spielberg démontre aussi ses qualités de réalisateur à travers ce film. Il suffit de regarder les diverses scènes d'attaque sur la plage pour être frappé par la mise en scène de Spielberg: montage dynamique, effets de caméra saisissant (le fameux plan travelling avant + dezoom emprunté à Vertigo sur le Sheriff Brody est probablement une des meilleures illustrations de l'angoisse au cinéma), fausses pistes en pagaille,... Une leçon absolue de mise en scène. Même dans les scènes de la vie quotidienne, la caméra de spielberg multiplie déjà les petits plans séquences millimétrés, presques invisibles tant ils sont subtiles, dont il a le secret.

Le combat final face à la bête est également filmé avec une grande maestria et la tension ne fait qu'augmenter jusqu'à la conclusion explosive du film (les gens hurlait de joie dans la salle à l'époque parait-il).


On peut évidemment faire quelques reproches mineurs au film de Spielberg. Le premier étant le coté artificiel évident du requin en animatronique(si vous regardez le making of, vous apprendrez que la phrase la plus répétée tout au long du film par Spielberg dans son mégaphone était : « le requin ne fonctionne pas), mais cela a obligé Spielberg a suggérer la présence du requin plutôt que de le montrer à tout bout de champ. Il peut aussi compter sur John Williams dont la musique répétitive et lancinante illustre parfaitement la menace permanente du grand blanc ainsi que le coté primitif et bestial de la créature.
Un autre reproche que l'on peut faire au film est l'inexactitude scientifique concernant les requins et leur mode de fonctionnement, ainsi que la psychose de l'animal qu'il a engendré (désertion des plages, chasses a grande échelle,...). Je contre-argumenterai en disant que ce film n'est pas un documentaire du commandant Cousteau, mais un thriller/film d'horreur, et ensuite en posant une question simple : peut-on reprocher à Spielberg que des imbéciles aient pris son film au pied de la lettre ? Le dernier reproche qu'on puisse faire à ce film est le titre débile en français, raison pour laquelle je me suis borné a le nommer par son titre original tout au long de cette critique.

En conclusion, Jaws est un grand classique, probablement l'un des cinq meilleurs films de Spielberg. Un film trop souvent sous-estimé par des gens le jugeant sur base de la franchise plutôt que sur ses qualités intrinsèques.

Première date de publication le 13/04/2012

Samu-L
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le 10 mars 2023

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Samu-L

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