J'ai revisionné cette chose avec des lunettes 3D (bleu et rouge) en carton pour si certaines séquences ressortaient du lot. Résultat : Rien. Il faut dire qu'il a vraiment été fini à la pisse.
Les Dents de la mer 3 a un temps été envisagée comme une parodie dans le sillage des Y a-t-il un flicdans l'avion du trio ZAZ (qui parodiait par ailleurs le film de Spielberg avec la queue de l'avion en aileron de requin dans les nuages). Dans ce projet fou intitulé Jaws 3 - People 0 écrit par John Hugues et réalisée Joe Dante (meilleur choix possible, fort du succès de son Piranha digne film héritier du film de Spielberg), le scénario suit la réalisation du 3e film pendant qu'un vrai requin sème la terreur sur son plateau. Mais Spielberg refusant de voir la saga sombrer dans la parodie mis fin à cette idée (vraiment dommage).
Le producteur du film travaillant à la télévision cherchait l'efficacité (économie). Aussi après avoir visionné un film en 3D au SeaWorld d'Orlando avec l'équipe, il s'est dit que cela rentable de faire ce nouvel épisode en trois dimensions (surfant sur des succès de l'époque comme Meurtres en 3 dimensions et Amityville 3D : Le Démon). Alors les scénaristes partent sur cette idée d'un requin attaquant le Sea World d'Orlando (Floride) alors que les fils Brody (insérés dans l'intrigue juste pour connecter les films, faute de faire revenir Roy Scheider beaucoup vieux pour ces conneries). Beaucoup voit ici une trame narrative précurseure celle à Jurassic World. Richard Matheson (auteur du roman Je suis une légende, L'Homme qui rétrécit, Les Seins de glace puis de la nouvelle Duel dont il signera l'adaptation avec Spielberg) et Carl Gottlieb scénariste des précédents films. Tourner dans l'eau douce réduit grandement les risques d'un énième tournage cauchemardesque en mer. C'est Joe Alves, chef décorateur et réalisateur de seconde équipe sur les 2 films premiers films de la saga, qui reçoit la tâche de tourner cette suite. Mais les caprices du producteur de télévision Alan Landsburg grippe-sous à mort aura raison de la production malmené par ses choix (changement de caméras 3D et des effets spéciaux à la dernière minute, amputation de 20 min au montage final pour raccourcir le film et ainsi maximiser les projections quotidiennes en salle). Le gars était tellement économe qu'il ne voulait pas d'animatronique et utiliser des images de requins (préexistences ou à tourner) qui croquent des mannequins.
Dans la forme il en résulte ce film à l'image ratée (grain, contours flous, mise au point foireuse). Niveau éclairage c'est aussi ratée. De nombreuses interventions du requin ont lieu la nuit, servant sûrement de cache misère aux squales mécaniques (maquettes, figurines en stop-motion et immenses animatroniques ). Par ailleurs ces derniers sont très laids selon les plans. Ce ne sont pas les séquences de vrais requins passées en accéléré dans le montage qui rehausseront cet handicap. rajoutées au montage es effets 3D aujourd'hui font juste kitsch (surtout qu'on est aujourd'hui contraint de les visionner en 2D) : le mérou zigouillé, le bras, l'explosion du requin et les dauphins shiny. Naturellement les effets spéciaux sont dégueulasses. Il reste que la musique d'Alan Parker est correcte. Ici elle reprend l'inspiration de John Williams en piochant des motifs du Sacre du Printemps de Stravinsky
Concernant le fond c'est assez raté. Le film prend beaucoup de temps à décoller avant la première grosse intervention du requin. Les discussions entres les personnages sont puériles. Les plans qui pour se débarrasser du squales sont inutilement alambiqués. Pour un film Les Dents de la Mer il y a très peu de victimes (5 : le mérou, le mec du portail, les deux méchants voleurs de corail, le mec de la télévision et un figurant). L'aspect film catastrophe avec les visiteurs du parc coincés dans l'attraction du royaume sous-marin n'est jamais exploité. Avec ou sans les frères Brody (surtout Sean qui disparait au milieu du film), qui n'ont pas peur de l'eau même après ce qu'ils ont vécu dans les deux précédents long-métrage, le film reste le même.
Il y avait pourtant de bons acteurs, mais ceux-ci sont tellement mal dirigés. Dennis Quaid (Mike Brody et Lea Thompson (pas encore Lorraine McFly) sont dans leurs premiers rôles. L'oscarisé Louis Gossett Jr. (Calvin Bouchard, directeur du pac), Bess Armstrong (copine de Mike) et Simon MacCorkindale (Philip FitzRoyce, meilleur personnage du film) complètent la distribution avec une carrière déjà plus étoffée.
Les Dents de la mer 3 avait des ambitions scénaristiques et visuelles louables. Mais l'incompétence dans la production et la réalisation peu inspirée de Joe Alves ne sont même pas à la hauteur d'un divertissement de qualité. Le sentiment de terreur est absent et laisse place à un ennui face aux pires effets spéciaux de l'Histoire. Je retiens surtout une séquence de 20s, meilleure idée créative du film : un plan (qui fera frisonner les claustrophobes) de l'intérieur de la gueule du requin qui dévore FitzRoyce (ça aurait vachement cool si comme initialement envisagée il s'était fait avaler par la maman puis bouffer par un bébé requin tout juste sorti de son œuf à l'intérieur du ventre).