Oui, j'ai osé.


J'aurai pu opter pour l'hypocrisie, et gratifier ce que j'ai vu d'un petit 5. Neutre, comme une réponse de normand. P'tet bin qu'oui, p'tet bin qu'non. Chacun aurait ainsi pu voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, selon sa sensibilité. Mais non. Je n'ai pas pu. Parce que j'ai certainement une pierre à la place du coeur.


Les Garçons et Guillaume, à Table, c'est d'abord un spectacle qui a été converti en film de manière assez fainéante, et surtout, qui parle de ce que Guillaume Gallienne connaît le plus intimement : lui-même. Même pas besoin de jouer la comédie devant sa propre caméra, puisqu'il est lui même. Il se contente donc d'afficher sa sempiternelle tête de ravi de la crêche ou de poisson rouge sous tranxène. Son premier long métrage, c'est du théâtre filmé pour moitié, accompagné des déclamations spéciales Comédie Française habituelles, comme autant de tics de (fausse) mise en scène.


Ce qui me gêne le plus, c'est que Guillaume Gallienne tourne en permanence autour de son nombril, et que son film livre son regard sur les autres mais surtout, sur sa petite personne. Le sage collage bout à bout de saynètes à bases de souvenirs anodins ne changera rien à l'affaire, ni à la finalité de l'oeuvre. Parce que Les Garçons et Guillaume, à Table tourne très rapidement à une séance intensive de moi, moi-même et je, à une catharsis simplement égoïste. Dans ce qu'elle a de plus impudique dans le déballage de l'intime, de la construction de l'identité, du sensible, tout cela imposé à son public.


Ce film, avec plus de nuances, moins de personnalisation du propos, aurait certainement suscité plus d'empathie. Parce que Gallienne aurait dû rester derrière sa caméra et ne pas faire de lui le sujet de son étude. Mais l'absence de distance entre le réalisateur et ses personnages (le sien et celui de sa mère) détruit tout et rend ce qu'il raconte, pour moi, assez dérisoire. Parce que Guillaume Gallienne essaie de faire d'un quotidien neurasthénique un semblant de comédie. Le problème, c'est que c'est rarement drôle, volontiers vulgaire, et que les vagues bons mots, pas souvent pertinents, sont assénés dans une écriture assez goguenarde qui ne correspond pas au propos de fond du réalisateur. Certaines scènes, comme celle de l'entretien psychologique ou chez le médecin, quant à elles, laissent pantois et interdit, tant elles tirent contre le genre de la comédie. Quant au message qui soutient le film, il nous apprend de manière béate, que le meilleur remède contre l'incertitude sexuelle, c'est... De s'inscrire dans un club équestre ! Un peu raccourci, oui, mais quand même... Les clichés, enfin, sont légion, comme ceux sur les homos, dignes d'un Gaspar Noé light dans une descente dans une boîte louche dont il a le secret.


Fausse comédie chichiteuse, Les Garçons et Guillaume, à Table se transforme en une séance de thérapie mortellement ennuyeuse où Gallienne est assis devant nous pour vider son sac. Cela a visiblement satisfait la critique intellectualisante et bien pensante, celle qui ne paie pas sa place. Mais lors de l'exploitation cinéma, l'ami Gallienne aurait dû non pas nous demander dix euros pour voir son film, mais au contraire payer chaque spectateur pour que ces derniers l'écoutent dans son grand déballage impudique de ses névroses. Vu le nombre d'entrées réalisé par Les Garçons et Guillaume, à Table, il en aurait été depuis bien longtemps guéri...


Behind_the_Mask, psychologue bénévole contre son gré.

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le 7 avr. 2016

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