Dernier carton en date de l'empire cinématographique Marvel (aux États-Unis c'est certain, en France on l'espère et on s'en doute très fort), Guardians of the Galaxy est aussi le projet potentiellement le plus risqué pour la branche ciné de Marvel depuis la mise en marche du rouleau-compresseur qu'est le MCU. Adapter une série peu connue (qui ne bénéficie en tout cas de la force iconique d'un Iron Man ou d'un Cap America), confier ses lead roles à des acteurs qui ne sont pas encore des stars, offrir à deux de ses rares mégastars de simples rôles de doublage d'un raton-laveur as de la gâchette et d'une plante verte prononçant cinq mots du film, faire réaliser tout ça par un réal de série B azimutées... Le projet était en soi un peu plus couillu qu'à l'accoutumée, restait à voir si le public allait embarquer.

Résumer l'intrigue de ces GOTG serait à la fois assez bordélique au vu du nombre de personnages impliqués et au final pas forcément des plus instructifs. Disons-le d'emblée, c'est ici que se situe le talon d'Achille du film. À force de partir dans des ramifications tentaculaires pour expliquer la présence de chaque personnage dans l'intrigue, le film s'égare par moments et laisse quelques trous béants, des moments de flottement narratif face auxquels on a parfois du mal à ne pas s'étonner (la questionnement du positionnement de Gamorra dans le premier quart d'heure notamment est assez mal exposé). On regrettera aussi le côté très archétypal d'un méchant (Ronan l'Accusateur, alias le très sympathique et méconnaissable Lee Pace) dont le manque d'enjeux vient un peu gâcher l'appréciation.

Mais la plupart des reproches que l'on peut légitimement adresser au film ne viennent généralement qu'après la séance. Car pendant son déroulement, difficile de ne pas se laisser embarquer par le rythme dément du film, qui place toutes ses intentions dans le même panier. Le mot d'ordre est simple et unique : le fun, le fun à tout prix. Galerie de portraits grotesques, de misfits un peu ridicules, GOTG n'esquive jamais son essence grand-guignolesque et ne renie jamais ce qui peut faire la force bigarrée des comics, et qui fait que j'ai généralement beaucoup plus de bienveillance pour les gentilles douceurs pop de Marvel que pour les cathédrales très/trop? sérieuses de DC Comics (Batman mis à part, enfin généralement).

Le dosage action/humour s'y avère particulièrement savant, avec un jeu sur la référence pop souvent très bien trouvé, tout en gardant évidemment à l'esprit que l'esprit parodique des GOTG fait bouger le curseur un peu plus que d'habitude. Grand-guignol jusque dans ses effets de mise en scène, le film de James Gunn parvient à ménager la chèvre et le chou et à proposer un cocktail équilibré d'humour référencé et régressif et d'action survitaminée. Chaque domaine n'empiète pas sur l'autre, résultat aucune séquence ne traîne en longueur et les deux heures que durent au total le film défilent à la vitesse de l'éclair.

Ayant vu le film en VF pour des questions de "j'habite dans la cambrousse, le premier cinéma est à 15 bornes de chez moi", difficile de réellement se prononcer sur le jeu des acteurs, mais en l'occurrence les personnages, eux, se révèlent extrêmement convaincants par leur personnalité beaucoup plus riche que ce à quoi on peut s'attendre. Si les cinq héros s'avèrent tous attachants, de l'absence totale de second degré chez Drax à la douleur rentrée de Rocket Raccoon, j'ai été extrêmement surpris de la richesse de Groot, bien plus qu'un garde du corps végétal dénué de tout vocabulaire. Profondément bon et pur, il renferme en lui une magie, une poésie rafraîchissante et inattendue. Et évidemment, impossible de ne pas saluer l'explosivité de Raccoon, incroyable réservoir à gunshots nerveux et à vannes bien senties, sorte de mini-Bruce Willis sous cocktail caféine/coke.

Porté par quelques séquences amenées à devenir cultes (dont celle, délirante autant dans l'action, les vannes et la mise en scène, de l'évasion de la prison), ces Gardiens de la Galaxie ont fière allure et peuvent fièrement trôner parmi les meilleures adaptations cinématographiques proposées par Marvel, Visuellement plus riche, plus inventive, plus dynamique, plus drôle que la plupart des autres franchises de super-héros, cette itération n'est pas parfaite certes, mais sa fraîcheur et son identité personnelle en font un blockbuster franchement cool, qu'il serait dommage de rater.
Sharpshooter
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le 13 août 2014

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Julien Lada

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