Rien de neuf sous le soleil du film de classe mais c'est fait fait avec soin et finesse.

A peine le film commence et on assiste à une scène jubilatoire. Denis Podalydès en professeur d’un grand lycée parisien récitant un texte en latin puis rendant les copies à ses élèves avec des commentaires croquignolets. Le ton est donné, on va rire et le rôle va comme un gant à ce grand acteur, tout comme les excellents dialogues qu’on lui met en bouche durant toute la durée du long-métrage. Cela se confirme par la suite, surtout dans les deux premiers tiers, où bon nombre de séquences nous permettent des moments de franche rigolade dus au décalage entre le côté bourgeois du personnage et le comportement des élèves du lycée de ZEP où il atterri. C’est toujours fin, écrit avec perspicacité et une pertinence ethnologique et sociale adéquate.


Bien sûr c’est attendu mais on se prend au jeu car c’est fait avec talent. De plus, dans le domaine du rire hexagonal, il devient de plus en plus rare de se marrer franchement grâce à un humour simple et juste. « Les Grands Esprits » appartient à un sous-genre ultra balisé du cinéma contemporain, celui du film de classe ou d’école. Qu’il soit américain (« Esprits rebelles ») ou français (« Les Héritiers »), soit emballé sous la forme du thriller (« 187 : code meurtre ») ou de la comédie (« Le plus beau métier du monde»), on connait la recette par cœur et il devient très difficile d’innover. Et cet avatar n’y parvient pas, c’est peut-être son défaut majeur. L’impression de déjà-vu est immense et on n’est jamais surpris. Malgré tout, le premier film d’Olivier Ayache-Vidal réussit à faire entendre sa petite musique et, surtout, il nous fait passer un bon moment sans accrocs. Alors on lui pardonne aisément cette impression générale et cette absence de surprise.


La mise en scène manque de personnalité à tel point qu’elle serait télévisuelle qu’on ne s’en étonnerait pas. Mais beaucoup de soin est apporté dans l’écriture des personnages et dans le constat social. Par exemple, la classe dans laquelle évolue Foucault, le professeur, ne rentre pas trop dans les clichés avec violences et racailles au programme. D’ailleurs, la bonne idée est de davantage s’intéresser au professeur et à son rôle vis-à-vis de la classe dans son ensemble, globalement. On ne creuse pas la personnalité d’un élève plus qu’un autre ; à une exception près qui fait avancer le récit et porte une partie du propos. In fine, le film dresse un portrait intelligent et critique de l’Education Nationale française et il le fait avec tact et beaucoup de documentation. Les différences de points de vues entre professeurs fatalistes et dans le renoncement face à d’autres combatifs et qui y croient encore est intéressante. Tout comme le fait de ne jamais sombrer ni dans un positivisme naïf, ni dans un constat dépressif et stérile. Pas d’originalité pour ces « Grands Esprits » mais beaucoup de cœur et de lucidité et un Podalydès royal.

JorikVesperhaven
7

Créée

le 1 sept. 2017

Critique lue 3.1K fois

16 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

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