Idiot ou ne pas être idiot, telle est la question (ou pas)

Ayant plutôt aimé "Festen" (surtout dans sa mise en scène), j'ai pris, tout de même, deux ans et demi à découvrir l'autre grand film du Dogme 95 : "Les idiots" qui est aussi ma première plongée dans le cinéma de Lars Von Trier et je n'ai pas été déçu.


Le début nous montre une femme timide, n’ayant pas trop de moyens, commandant à déjeuner et non loin soudain, un homme se fait remarquer par d’étranges manières, une femme avec lui tente de le calmer : sûrement un attardé mental et son accompagnatrice.
Le soi-disant attardé va se mettre à coller la femme qui se propose de lui faire quitter le restaurant, l’homme ne veut pas lui lâcher la main et voilà qu'elle se retrouve à l’arrière d’une voiture avec ce gars, son ami qui semble lui aussi attardé. Tout d’un coup, le soi-disant attardé se mets à rire « On les as bien eu, putain. », la femme se rend compte que c’était une comédie et dit que ce n’est pas très drôle mais malgré cela, elle reste avec eux.
Elle, c’est Karen, les deux soi-disant attardés c’est Stoffer et Jeppe et leur accompagnatrice : Susanne. Ils arrivent à une maison où Karen fait connaissance avec les autres personnes de la bande, songeuse : pourquoi ils se font passer pour des attardés ?
C’est Stoffer le leader qui lui expliquera que c’est pour faire exprimer leur « idiot intérieur ».
A partir de là, c’est crescendo dans la connerie, j’ai pensé à Michael Youn et sa bande façon Jackass dans « Les 11 commandements » avec leurs caméras cachées et leurs morceaux de débilités en public, d’autant que la façon de filmer est très proche.
Dogme 95 oblige, Lars Von Trier filme caméra à la main, image crade, avec perches parfois dans le champ et faux raccords.
Que ce soit la visite d’une usine ou des courses dans un supermarché, la bande ne va laisser personne indifférent et le regard des gens « ordinaires » dit tout. Et c’est drôle, mais j’ai ris, comme je pourrais dire, assez jaune. Parce qu’ils imitent de vrais attardés mentaux, même si ils s’en défendent. Ponctuellement au récit, nous avons des entretiens réalisés avec eux, à l’exception de Stoffer et Karen (dont l’absence peut être devinée), plus tard, témoignant avec recul de ce qu’ils faisaient et pourquoi ils le faisaient. Ils le font parce qu’ils sont en groupe déjà, ils insistent là dessus : ensemble c’est plus drôle, séparément, c’est pas tellement délirant.
Même sans avoir un film de Lars Von Trier, on connait sa réputation de provocateur, bah « Les idiots » qu’il a écris en quatre jours seulement, sa réputation : c’est ça. Fréquentes scènes de nues : dans les douches d’une piscine, Susanne lave Stoffer en érection (on a droit en assez gros plan de sa bite en érection), partouze avec pénétration non simulée en gros plan là aussi ; authentiques trisomiques qui rendent visites à nos soi-disant débiles (qui ne simulent pas mais sont un peu gênés) et une scène qui m’a fait vraiment marrer, j’en pouvais plus : lorsque Jeppe, simulant l’idiotie, est laissé seul dans un bar encadré par des motards qui ignorent ce qu’il veut, ils l’emmènent aux toilettes du bar et un des motards lui tient la bite lorsqu’il pisse et ça aussi, c’est bien cadré : c’est totalement n’importe quoi !
Mais néanmoins, si le film est vraiment drôle, il prend progressivement une dimension de drame psychologique, les membres craquent : ils pètent les plombs, craquent en larmes, semblent perdus et ne se retrouvant que grâce à cette communauté.
Forte heureusement, les personnages principaux sont peu juger et critiquer, se remettant eux-mêmes en cause à l’exception de Stoffer mais chacun et chacune semble avoir un drame personnel, une raison pour laquelle ils ont rejoint ce groupe de soi-disant idiots.
J’ai trouvé que le film était quand même un peu long, ignorant où il allait en venir et la fin est aussi simple que bouleversante. Et ne savait pas trop quoi en penser.
Même si je trouve finalement qu'il donne un regard sur la bêtise humaine et est une critique sur les apparences et l’importance de l’unisson d’un groupe.
Je pensais qu’il y aurait plus de scènes les montrant simulant la débilité et que Von Trier aurait pousser le curseur plus loin (le film fut interdit aux moins de 12 ans à sa sortie), mais en fait c’est pas si cru que cela. Il y a un discours philosophique sur le handicap mental et le regard que les gens qui ne sont pas handicapés portent eux, comme moi qui peut pas piffer les trisomiques.
Lorsque Stoffer voit de vrais trisomiques se mélanger à sa bande, il s’emporte, comme confronté à sa conscience, mais en mettant en scène la sexualité de soi-disant attardés, il montre aussi la sexualité d’attardés de ce fait. Dans les films : on ne voit Jamais des trisomiques faire l'amour, d’une certaine manière, avec des acteurs simulant des retardés mentaux, il montre ça.
Je me reconnais dans ce cinéma provocateur, filmé à l’arrache (même si Vinterberg, dans le même Dogme 95, a fait mieux avec « Festen »), où une série de séquences barrées et très fortes psychologiquement : parfois des personnages pleurent, en gros plan, on ne sait pas pourquoi.
Mis à part Stoffer qui tel un gourou parle beaucoup (et comme il est doublé en VF par Thibault de Montalembert, choix parfait, c’est un plaisir), les autres personnages expriment des émotions à travers leurs corps, leurs visages. Comptant le revoir peut être dans quelques mois, pour éventuellement augmenter la note.
Ce n’est pas un film qui va changer ma vie mais qui reste quand même, pour son côté bien barré, ses réflexions philosophiques, son interprétation naturelle (Von Trier a dit qu’il n’a quasiment pas diriger les acteurs) et bien sur sa mise en scène que j’aime tellement avec son image crade.

Derrick528
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le 31 juil. 2021

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