Un projet Youtube avec une certaine envergure ; A féliciter, rien que pour le projet !

Quand on parle de Youtube, on pense souvent aux comptes de vidéastes humouristiques qui pullulent le site internet, entre ceux qu'on aime et ceux qu'on n'aime pas. Et quand on parle de Youtuber Cinéma, on pense avant tout à des vlogs journaliers sur la dernière sortie au cinéma mais rarement de films, de réalisations.
Et c'est là qu'Antony Pazzona, Youtuber Cinéma relativement mineur, se lance dans un film à skecthes d'horreur avec d'autres Youtubers Cinémas ; Un projet que je défend et applaudit, rien que pour le principe !
Maintenant, qui dit plusieurs réalisateurs, dit donc valeurs différentes et montagnes russes émotionelles et qualitatives. Donc je jugerais chaque segments par ordre d'apparition ( et je les jugerais comme si c'était des pro, je ne jouerais pas la carte de la clémence parce qu'ils sont youtubers ou parce que je les aime ) :


Angle Mort : La mise en scène sur l'angoisse de la jeune femme est présente et très palpable mais je trouve que certains faits de mise en scène alourdit l'effet ( comme le plan final sur la photo de famille ou les screamers ) alors que d'autres éléments plus subtils expliquaient parfaitement le sous-texte de ce court-métrage ( l'homme nu, toujours dans des pièces fermés, sa présence partout, la femme qui ne veux pas venir au repas de famille, son saignement ... ). Bien réalisé, efficace mais quelques lourdeurs dommageables
Bras : Si le début avec ce plan-séquence un peu spectrale était sympas, le reste du segment me laisse totalement insensible. Je ne comprends pas qui est cette main ou ce que ça veut sous-entendre, quel est la peur en question et je n'ai pas accroché à la mise en scène ...
Comédiens : J'aurai pu y être aussi insensible, s'il n'y avait pas cette mise en scène de départ qui était sympas ( tout ces plans, ces regards de toutes part, qu'on ne sait si c'est l'inconnu qui l'effraie ou son esprit qui vagabonde ) et aussi cette idée de ne pas faire de l'horreur qui est un brin original, rendant ce segment intéressant
Dream Over : Très court mais une angoisse très présente et, étrangement, parce qu'on ne sait pas ce qu'elle est, elle est très efficace ( est-ce le monstre de sous le lit ? ) et la chute de fin se fait dans un silence et un calme effrayant
Etrange Etranger : Très bon film d'animation sur cet oiseau qui rejette un voyageur étranger pour sa différence, plus sur le ton de la comédie mais très sympathique et les deux personnages sont vite attachant grâce au doublage. Un micro-choc des cultures sans lendemain, la révélation de la peur de l'inconnu/l'étranger inné en chacun, très sympathique
Forêt : Si le scénario n'est pas le plus intéressant, c'est dans sa mise en scène que le segment brille. Les photos montrent autant son état d'ivresse ( de moins en moins visible ) tandis que cette forme d'enchaînement de photos montre l'immensité de la forêt, on s'y perd car il n'y aucun repère audiovisuel et la peur de la forêt, de s'y perdre et des créatures y apparaissent alors car cette forêt est cinématographiquement infini, indéfinissable, on n'identifie plus rien. Une belle esthétique pour un récit moins marquant.
Girl : L'idée est paradoxale mais finit par être décevante. Au début, on confronte deux idées, une qui me plaît ( cette immense fresque murale sur ces peurs qui recouvre la pièce, comme un sorte de labyrinthe dont on pourrait s'y échapper avec son visage au milieu, prise au piège ) et une qui me plaît moins ( cette voix-off qui raconte sa peur, parfaitement lisible visuellement et quelques effets un peu "facile" comme le texte qui se raccorde aux mots sur les murs ). Mais dès lors qu'elle efface la fresque avec la peinture blanche, mon plaisir disparaît. La proposition était belle, la résolution l'était moins malheureusement
Hanté : L'histoire est classique et la mise en scène n'est pas toujours au poil ( un ou deux faux-raccord et le jeu d'acteur un peu factice ) mais il y a de très bonnes idées qui me plaît beaucoup. Par exemple, j'aime beaucoup qu'on commence par le chat ( surprenant et original ), tout ce qui entoure cette créature est très efficace et excellemment mis en scène mais surtout le procédé noir et blanc qui se confronte au rouge du sang et du monstre ( le rendant effrayant car différent de la norme de cet extrait et me rappelant la petite fille en robe rouge dans "La Liste de Schindler" ). De très bonnes idées pour une bonne surprise
Incarcéré : Alors l'idée est excellente et la mise en scène est sympas ( ce montage répétitif pour montrer son quotidien chiant et aliénant à plus d'un égard ) rendant le segment profondément déprimant et critique sur le spam dans une approche futuriste et dystopique mais le sujet n'est plus donc la peur. Mais, en dehors de cela, un très bon segment !
Jambe : Je tiens à applaudir dans ce segment le jeu d'acteur qui est excellent entre l'homme ( véritable bombe à retardement où un rien peut le faire hurler ) mais surtout celle de la femme ( effrayée, qui fait tout pour le calmer et ayant le regard de la femme battue ). La mise en scène installe cette ambiance lourde, très proche d'une famille qui s'embrouille, c'est pour ça d'ailleurs que la fin est à la fois une bonne chute mais aussi une légère déception car la représentation des disputes conjugales était très bien faite. Sympas, surpris à la fin, mais très sympas.
KpOBb : Agréable surprise de fin avec ce début très glauque qui fait très "faux casting " dans les films pornos à la JM pour finalement dériver vers quelque chose de plus glauque sur cette entreprise qui aide à vaincre les peurs, tandis que le parti pris du found footage créer une forme de réalisme à cet ensemble qui met mal à l'aise ( je reprocherais seulement des coupures dans cette forme qui casse l'immersion de ce parti pris ) mais très sympathique dans l'ensemble
Lisière : Et je retombe dans une vraie déception ... Tout simplement parce qu'il me tend plusieurs approches, sans en embrasser aucune d'entre elles, ce qui donne un récit floue avec une mise en scène qui part dans plusieurs sens ( On part sur l'auto stop potentiellement malhonnête, le policier qui n'est pas un, un truc qui se rapproche du loup-garou et puis la femme tue ). Ce qui fait un bordel narratif pour ma part :/
Mauvaise Pioche : Au risque d'être odieux, c'est une mauvaise pioche à plus d'un sens. Alors, l'idée qu'un cambrioleur se fasse choper, ligoté et tué par le propriétaire de la maison est une approche sympas et la femme qui prend son masque et se prépare à le torturer, ça peut à la fois fun et effrayant sauf que le visuel et la mise en scène ne captive jamais ( donc on n'a pas peur, pas d'extase, rien ), le jeu d'acteur n'est vraiment pas ouf ( donc on ne ressent rien à leur égard ) et la fin nous empêche d'avoir le plaisir pervers de voir le meurtre. Déception totale en ce moment.
Non : La façon de raconter fait le charme de ce segment, où un personnage raconte son anxiété envers sa mère, devenue figure qu'on admire à figure qu'on exècre, pour un final qui marque ( j'aime particulièrement la scène où le rouge surgit soudainement de la maison, transition entre l'enfant et l'agresseur ) ; Correct
Oxygène : Court mais d'une forte efficacité. En un plan, ancrant au mieux la scène dans le réel, on a l'asphyxie, les interventions et la mort qui s'abat sur le spectateur. L'approche est froide, clinique mais tellement appropriée pour susciter la peur, le réel ( tout en omettant de donner la raison de son état ). Une belle expérience, bien que trop courte peut-être.
Pénis : Une approche proche du "rape and revenge" tout à fait exquis ( une bonne punition de taille pour celui qui voulait droguer la femme ) que flippant ( autant la femme qui semble avoir une case en moins, être une tueuse en série, l'horreur de son geste bien que motivé par des raisons valables, que la serveuse qui semble complice ). Un segment qui fait mal au pénis xD
Quenotte : Alors, je ne suis pas hypocondriaque mais le segment transmet parfaitement cette névrose de la maladie avec un côté très dérangeant et cru que j'aime beaucoup ( autant les pustules sur les doigts que la dent ) avec l'incompréhension des autres, me rappelant un peu "Grave". Un bon segment, bien malsain
Raccroche : On retombe dans la déception avec ce segment qui m'a laissé légèrement de marbre, la mise en scène rend la scène effrayante, certes, mais elle ne m'emporte pas dans son angoisse, je reste en dehors alors que d'autres segments peuvent transcender et m'effrayer alors qu'il ne me parle pas. Là, je n'ai pas eu peur, je demanderais seulement la suite de l'histoire ...
Solitude : Pour l'instant, c'est mon préféré de la liste ! La solitude est montré avec maestria dans ce segment, avec ces plans très larges, ces "cadres dans le cadre" pour l'enfermer davantage, le montage qui déconstruit Paris en une ville floue ( un peu comme le segment "Forêt" ) et la colorimétrie qui s'accorde bien à ce mal-être et cette fin qui tend vers la folie avec ce son qui vient de nulle part. Très bon !
Terminus : A côté du meilleur, j'ai éventuellement le pire ! Alors, j'adore les films de montage et ce travail de narration avec d'autres vidéos/images ( autant "Le Livre d'Image" de Godard que "l'Homme à la Caméra" de Vertov ) mais encore faut-il avoir une narration claire, un savoir-faire efficace et réussir à susciter la peur. Narration floue car elle tend vers différentes angoisses qui s'opposent à mon sens ( on a autant un récit profondément écologique et marquant, mais on dérive aussi sur un récit critiquant la violence à l'écran et les images chocs ), ne suscite pas la peur car elle ne développe pas ces idées ( étant donné que le segment s'étend sur mille et une chose à la fois, même dans ces thématiques, entre la maltraitance animale, la pollution de l'air et des mers pour l'écologie que le terrorisme, les enfants malformés et malades ou les paraphilies chelous dans les images chocs ) et assemble le tout avec des choix qui ne me font pas peur ( le sublime morceau de piano mais très cliché des vidéos chocs sur le net et les rares images "belles" qui contredisent son message nihiliste et sa critique acerbe du monde moderne ) et sans savoir-faire car c'est sans rythme ( à cause de la musique choisie, tandis que des sons différents auraient pu jouer sur le choc ), aux qualités visuelles variables, alterne les deux/trois thèmes rendant le visionnage désagréable. Donc oui, son titre vaut bien : Terminus, tout le monde descend !
Unknown : Je ne comprend pas ce segment, autant certaines mise en scène ( comme le changement du cadre entre son quotidien et le soir qui n'apporte rien ) que son récit ( qui est cet inconnu ? La voisine n'a-t-elle appelée que tardivement ? Elle n'y a pas prêtée attention ? Pourquoi ne la met-elle pas en sourdine de suite ? ). Finalement, son récit et sa mise en scène est chiante alors qu'une "peur" de son portable qui sonne pour un rien sans pouvoir le faire taire ( véritable matérialisation de son travail ) aurait été une approche qui aurait eu déjà le mérite d'être original. Mais là, je me suis juste emmerdé :/
Vendre son âme : L'idée du film me touche d'une façon très personnelle, étant donné que j'écris et que j'ai aussi ce syndrome de la page blanche, et je trouve que c'est une belle relecture du pacte avec le diable ( la fin donnant une touche d'humour noir bien senti ). Le récit est bien amené et cette créature est bien mise en scène, au costume me rappelant un monstre sorti du monde d'Hellraiser, d'un silence glacial et qui écrit les meilleurs récits avec le sang ( même si, pour en rire davantage, on parle de meilleures ventes, pas forcément du meilleur livre ... C'est sûrement moi mais je trouve que ça donne une subtilité bien sentie ) et le traitement du son pas raccord peut marcher avec cette créature hors-norme. Une belle découverte !
Weed : A deux doigts d'être sympathique ... Le début m'ennuie mais, dès lors que le personnage planne, on voyage avec lui dans ce monde imaginaire poisseux, sombre et désespéré, mais nous revenons dans la réalité où il est condamné. Déception personnelle ...
Xeres : Un peu comme "Weed", il tendait à être une histoire sympas qui se casse pour la surprise de fin. On a une bouteille, unique au monde, qui va attiser la convoitise et créer un conflit et, rien que cette approche, peut être intéressante, le genre d'objets qui éveillent les pires instincts pour se l'accaparer mais la fin casse tout et c'est dommage.
Yeux sur la route : Prendre le point de vue de la voiture pour voir le meurtre ( et potentiellement le viol ) d'une jeune fille est un parti pris excellent qui joue parfaitement de son cadrage pour susciter la peur ( étant donné qu'on ne voit rien du meurtre et qu'on n'entend pas ce qu'ils se disent ), qu'humaniser ce qui est inerte ( avec la fille qui réapparaît, comme une forme de syndrome post-traumatique ). Une bonne expérience !
Zen : Ceux qui me connaissent savent que je n'aime pas Michael J et, malheureusement, son segment n'est pas bon mais j'ai envie de préciser que ce n'est pas le pire pour moi et qu'il y avait une idée ou des pistes sympas. Pour ma part, je vois ce segment comme la peur de soi ( peur de sa colère, de sa rage, de son impulsivité ) qui est une excellente idée ( culottée de sa part, maybe, mais qui vaut un minimum le détour ) mais qu'il combat avec facilité, ce qui ne suscite pas la peur, ni la réalité. D'autant plus dommage que, fan de Shyamalan comme il est, j'aurais espéré qu'il s'inspire de ce réal pour proposer un truc qui s'en rapproche. Mais là, ce n'est qu'une idée pas bien développée, mal mise en scène mais certainement pas le pire de la liste


Pour clarifier :


Mon Top 5 : ( 5 ) Pénis, ( 4 ) Oxygène, ( 3 ) Hanté, ( 2 ) Forêt, ( 1 ) Solitude


Mentions Honorables : Incarcéré, Angle Mort, Quenotte, Vendre son Ame, Yeux sur la route


Mon Flop 5 : ( 5 ) Lisière, ( 4 ) Bras, ( 3 ) Unknown, ( 2 ) Mauvaise Pioche, ( 1 ) Terminus


Mentions Déshonorables : Xeres, Weed, Girl, Raccroche, Zen


Pour conclure : Comme je m'y attendais, le risque d'un film à skecthes est qu'il soit inégal, entre les segments que l'on aime et ceux que l'on exècre mais je tiens à féliciter ce projet et cette prise de risque, en espérant pouvoir critiquer et voir de nouvelles tentatives.

MaximeClochette
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le 7 nov. 2021

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