Les Liaisons de Gérard et Jeanne (Ma vraie note 7,5/10)

Nous connaissons tous Les Liaison Dangereuses 1988 avec John Malkovich et Glenn Close ou Sexe Intentions avec Ryan Philippe et Sarah Michelle Gellar.

Mais connaissons-nous Les Liaisons Dangereuses 1960 (nommé souvent ainsi alors que pourtant sorti en 1959) avec Gérard Philippe et Jeanne Moreau?

Cette adaptation méconnue de l'oeuvre de Laclos mériterait davantage d'attention.

La première chose qui frappe au visionnage du film est que l'action se déroulant dans les années 17** dans le roman épistolaire Les Liaisons Dangereuses est transposé dans la "modernité" des années 50-60. Même procédé qu'utilisa Sexe Intentions en transposant l'oeuvre dans la "modernité" des années 90.

Pour tous ceux qui ont étudié l'ouvrage de Laclos dans les écoles et universités, nous savons tous quelle est l'histoire.

Valmont et Mertueil, deux libertins malveillants, séduisent hommes et femmes pour le plaisir de la chair avant de les délaisser sans états d'âmes. Un jour, Mertueil, apprenant que la fille d'une de ses amies, Cécile Volanges____entretenant une liaison platonique secrète avec un jeune soupirant nommé Danceny____est sur le point d'épouser Gercourt, un de ses anciens amants l'ayant abandonné décide de se venger de manière perverse et cruelle de la façon suivante; sachant que Gercourt espère une épouse chaste facilement manipulable dans le lit conjugal, elle demande à Valmont de dépuceler Cécile pour l'entraîner au plaisir de la chair avant son mariage. Ainsi Gercourt pourrait amèrement regretter son choix en étant dominé par une experte du plaisir de la chair. Valmont, de son côté, entreprend de séduire madame de Tourvel, femme mariée et fidèle afin de prouver que même une bonne épouse tenant à ses principes sacrés peut succomber à un autre homme et trahir ses principes malgré elle.

Dès le générique du film, le ton est donné avec un jeu d'échecs symbolisant les manipulations perverses et ignobles des deux anti-héros, Valmont et Mertueil, que nous sommes sur le point de découvrir.

Gérard Philippe interprète ici son avant-dernier rôle avec brio avant à savoir l'ignoble séducteur/beau parleur nommé Valmont...

Ironique quand on sait que le personnage meurt à la fin du film tout comme l'acteur qui décéda prématurément après le tournage du film (et accessoirement durant le tournage de La fièvre monte à El Pao qui fut contraint de sortir à titre posthume)

...en partageant l'écran avec Jeanne Moreau en Mertueil perverse et manipulatrice...

...nommée ainsi une seule fois dans le film les autres personnages l'appelant par son prénom choisi pour le scénario "Juliette"...

...aussi ignoble que lui.

Dans cette version, les deux libertins sont devenus un couple marié s'autorisant des "libertés" en ayant des aventures chacun de leurs côtés passant d'amant(e)s en amant(e)s, de préférence déjà fiancés ou mariés, tout en se jurant une fidélité sentimentale réciproque.

Telle est leur façon brutale et horrible de se moquer des idiots et des hypocrites croyant ou prétendant croire que le mariage est sacré et imbrisable alors que l'attirance sexuelle peut prouver le contraire.

-Tu te rappelles tout ceux qui se sont mariés quand nous étions étudiants? Ils sont presque tous divorcés. -Nous, nous savons aimer.

Mais au fur et à mesure que la sentimentalité fait disparaître la vanité, la méfiance prend le dessus sur la complicité tandis que la jalousie remplace la confiance.

Pris à leur propre piège, Valmont et Mertueil risquent de subir les conséquences de leurs actes méprisables, odieux et cruels.

Nous voici obligés de subir une histoire cruelle cachée derrière une ambiance jazzy faussement légère et des lieu de repos clos dissimulant des secrets dangereux symbolisé par une station de ski à l'ambiance extérieure légère où l'on s'amuse en souriant mais devenant le refuge morbide des coucheries et des manigances perverses des deux époux complices roués se retournant petit à petit contre eux...

...allant jusqu'à les mener à leur auto-destruction

...pour notre plus grand plaisir de spectateur compatissants envers leurs pauvres victimes.

Ce que l'on peut apprécier avec ce film est que malgré la transposition d'une histoire ancienne dans une époques plus lointaine où les moyens de correspondance et communication sont plus avancés que ceux du XVIIIe siècle, l'aspect épistolaire est conservé non seulement à travers des lettres que les personnages s'envoient mais également à travers des conversations téléphoniques ou encore des enregistrements audios provenant de proches que les personnages écoutent.

De plus, malgré l'ambiance jazzy dominante, le film se permets des moments de tension, de malaise et de peur durant des scènes sans la moindre note audible ou encore avec très peu de mots où les expressions faciales des personnages disent tout.

Puisqu'on parle des personnages, le film réussit habilement à respecter les caractères de la plupart d'entre eux tout en les transposant de manière crédible au milieu du siècle dernier. Cécile (Jeanne Valérie) et Danceny (Jean-Louis Trintignant) sont les mêmes jeunes premiers naïfs victimes d'adultes cruels et manipulateurs (bien que Danceny soit moins tendre et plus rude que dans le support de base), Valmont et Mertueil sont les mêmes monstrueux fourbes se racontant avec délices leurs aventures et comment ils y ont mis fin des façons les plus ignobles qui soient (ou réfléchissant entre eux quelles seraient les "meilleures manières" de rompre avec des amant(e)s parce qu'ils/elles ne les amusent plus), les autres personnages gardent leurs rôles de parents exagérément sévères qu'ils étaient dans le roman de Laclos...

Malheureusement, la réussite de cette transposition ne marche forcément pour certains personnages de ce cadre spatio-temporel repensé.

En effet, le film s'est senti obligé d'inclure de la xénophobie dans son contenu en transformant Gercourt en Jerry Court, cliché de l'américain à l'accent trop ridicule pour être pris au sérieux.

De plus, madame de Tourvel, devenue Marianne Tourvel (Annette Stroyberg), est bien trop caricaturale pour être prise au sérieux. Ce n'est pas une femme mariée s'en voulant d'aimer un autre homme mais une caricature d'ingénue niaise et insupportable faisant plus adolescente minaudante attendant le Prince Charmant que femme mariée tiraillée entre sa fidélité à son mari absent et son attirance pour un autre homme étant, en apparence, présent pour elle.

Autre défaut, on ne voit pas la réaction de Tourvel quand nous savons que la liaison entre elle et Valmont prend fin. Il aurait été bien mieux de nous la montrer avant qu'on ne la revoit seulement à la fin du film.

Puisqu'on parle de Valmont, son sort est bâclé. En effet, là où dans le roman, il a un combat à mort avec Danceny, dans le film, celui-ci ne fait que lui donner, bien trop rapidement, un coup de poing l'envoyant accidentellement sur un objet lui brisant le crâne.

Bien que ceci soit habilement mis en scène avec des coups de cymbales "fatals", la frustration ne peut être que présente la mort agonisante de Valmont dans l'oeuvre de base étant censée symboliser sa punition cruelle et longue descente aux Enfers où il n'aura que des regrets.

De plus, contrairement au livre où Valmont et Tourvel se "rejoignaient" dans la mort, seul Valmont est condamné à trépasser tandis que Tourvel reste en vie; mais toutefois devient folle.

Par contre, la punition de Mertueil est mise en scène de manière satisfaisante. Tout comme le roman, le film fait le choix de défigurer Mertueil pour lui faire porter son âme laide sur son visage non pas en lui infligeant la petite vérole n'existant plus mais en lui brûlant le corps dans une scène silencieuse devenant ainsi, ironiquement, glaciale.

Néanmoins, malgré ces quelques défauts, Les Liaisons Dangereuses 1960 est un très bon film méritant autant de reconnaissance que de nombreuses autres adaptations de l'oeuvre incontournable de Laclos.

A voir d'urgence!

Créée

le 31 août 2022

Critique lue 205 fois

5 j'aime

19 commentaires

BlackBoomerang

Écrit par

Critique lue 205 fois

5
19

D'autres avis sur Les Liaisons dangereuses

Les Liaisons dangereuses
BlackBoomerang
7

Les Liaisons de Gérard et Jeanne (Ma vraie note 7,5/10)

Nous connaissons tous Les Liaison Dangereuses 1988 avec John Malkovich et Glenn Close ou Sexe Intentions avec Ryan Philippe et Sarah Michelle Gellar.Mais connaissons-nous Les Liaisons Dangereuses...

le 31 août 2022

5 j'aime

19

Les Liaisons dangereuses
constancepillerault
7

Critique de Les Liaisons dangereuses par constancepillerault

Parfois titré (du moins dans les premiers temps de sa distribution) Les liaisons dangereuses 1960, ce film est certainement le meilleur de Vadim. La transposition est habile (y compris pour le destin...

le 18 sept. 2019

2 j'aime

Les Liaisons dangereuses
Elg
5

Petites vues

On prétend qu’initialement Vadim n’était pas très chaud à l’idée de partir du roman Les liaisons dangereuses. En analysant le film on peut comprendre pourquoi. Lorsque l’on s’attaque à une œuvre et...

Par

le 12 août 2019

1 j'aime

Du même critique

Le Noël de Mickey
BlackBoomerang
8

Dickens et Picsou

À l'approche des Fêtes, il est courant de raconter des Contes de Noël aux enfants. Parmi eux, il existe une très célèbre histoire créée par le défunt Charles Dickens: Un Chant de NoëlCet ouvrage a...

le 24 déc. 2022

13 j'aime

16

L'Histoire sans fin
BlackBoomerang
9

L'Histoire d'Atreyu, de Bastien et du lecteur

Au moment où j'écris la critique de ce roman, je tiens à dire que je l'ai lu en un week-end tellement je le trouvais passionnant.Certes, j'ai déjà lu un livre en entier en un soir mais il était moins...

le 3 mars 2024

12 j'aime

126