L'importance de la relation entre musiciens

Dans Les Musiciens, la fille du PDG d'une grande entreprise (jouée par Valérie Donzelli) veut réaliser le rêve de son père récemment décédé : réunir quatre instruments de musique classique légendaires et d'une rareté exceptionnelle pour jouer un concert dans une chapelle. Ces instruments sont très anciens et très précieux. Ils sont alors authentifiés par un expert et achetés aux enchères pour une somme qui se compte en millions d'euros par instrument. La partition a été composée exprès pour ce concert à la demande du père. Elle parvient alors à rassembler dans un château isolé à la campagne — choisit car propice à l'introspection — quatre musiciens de génie, qui ont chacun une personnalité disons...un peu trop forte. Trois d'entre eux ont la grosse tête et la quatrième a du mal à s'intégrer parmi ces musiciens élitistes pour qui seuls les musiciens issus du conservatoire peuvent devenir bons, car elle est une ado pas très mature qui a tout appris en autodidacte. Son compte d'influenceuse sur les réseaux sociaux leur paraît méprisable et la jeune fille qui n'attendait que de pouvoir poster sur les réseaux une photo avec ces musiciens qu'elle idéalisait un peu trop est vite désillusionnée. En plus de ça, deux des musiciens ne peuvent pas se supporter avant-même d'avoir commencé à cause d'une vieille histoire dont on découvre l'intrigue et les raisons peu à peu au fil du film.

Bref, l'ambiance devient très vite plus tendue qu'une corde de violon, pour ne pas dire explosive ! Mais Astrid n'avait pas vraiment le choix, elle a suivi les choix de son père (sauf pour la benjamine du groupe, car son père ne s'était jamais décidé pour le choix du quatrième musicien). Elle l'a choisie pour la fraîcheur qu'elle apporte au groupe et surtout parce qu'elle n'a aucune idée de comment on est censé s'y prendre pour choisir un musicien. Après tout, elle a l'air de très bien se débrouiller dans ses vidéos — et c'est vrai ! Voilà comment commence le film. Ils ont une semaine pour apprendre à jouer ensemble ce morceau qu'ils ne connaissent pas du tout, sur des instruments qu'ils n'ont jamais touchés au par-avant (parce que chaque instrument est unique) et rien ne fonctionne entre eux.

Face à cet échec annoncé dès le départ, Astrid tente de faire appel à l'aide de Charlie Beaumont (le compositeur des partitions, joué par Frédéric Pierrot), le seul à connaître les partitions de ce morceau. Elle compte sur lui pour réconcilier les musiciens et faire en sorte qu'ils réussissent à s'accorder et trouver l'harmonie (aussi bien sur le plan relationnel que musical, car les deux sont indissociables, c'est là tout le sujet du film). Mais le compositeur, qui est âgé, ne s'intéresse maintenant à plus rien d'autres qu'à enregistrer des sons de la nature dans sa maison de campagne et il ne se souvient plus de cette partition qu'il a composé il y a plus de 30 ans sans ne l'avoir jamais joué. Autant dire que ce n'est pas gagné pour le convaincre de venir diriger ces musiciens qui sont tous les quatre de véritables électrons libres. Est-ce que cela va marcher ? Rien n'est moins certain...

J'ai bien aimé comment se glisse tout au long du film un humour subtil teinté d'ironie et de ridicule dans cette ambiance un peu "aristocratique" de musiciens classiques qui font les stars chacun à leur manière et sont tout à fait ingrats de l'opportunité que leur est donnée et du cadre de répétition qui leur est offert. Le réalisateur montre très bien comment la relation entre les musiciens joue un rôle capital sur la qualité de leur musique. Si les musiciens ne s'entendent pas (au sens du second dégré), ils ne peuvent pas s'entendre (jouer) et alors c'est la cacophonie. Les instruments ne peuvent pas s'accorder les uns avec les autres et n'expriment rien d'autres que des cris de dispute, des plaintes et des grincements de dents. Mais si les musiciens parviennent à accepter cette confrontation à l'altérité que leur demande ce travail, alors l'harmonie musicale devient parfaite, magique. En acceptant ce concert, ils doivent faire bien plus que jouer de la musique. Ils se retrouvent confrontés à leurs propres failles, à leurs défauts et vont devoir apprendre à faire preuve d'humilité, de maturité, à pardonner, à s'ouvrir, à guérir leurs vulnérabilités et surtout : apprendre à s'écouter les uns les autres.

La bande originale est magnifique, je conseille vivement aux amateurs de musique de films / classique d'écouter la discographie de son compositeur, Grégoire Hetzel.

C'est le fait de voir Frédéric Pierrot à l'affiche qui m'a décidé à voir ce film car je l'avais adoré dans son rôle de Phillippe Dayan dans En Thérapie. Et je dois dire que je suis ravi de l'avoir vu ! Très belle découverte !