Par un montage efficace et dynamique, on entre immédiatement dans ce film qui semble d’abord très construit.

Puis le temps se dilue et la machine qui ne tient pas la longueur se fatigue et s’arrête. Est-ce la chaleur des chaudes nuits tropicales qui brouillent nos consciences affaiblies ?

Hasardeux, chaotique, on accède à un autre cinéma qui est celui de la contemplation et de la lenteur. Certains plans évoquent le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul (quand, dans les bruissements sourds de la jungle, se détachent en ombres chinoises les formes humaines devant le soleil déjà couché) ; tandis que l’errance chaotique en pleine nature peut vaguement nous rappeler Werner Herzog.

Si le film est vendu comme une comédie, le comique viendra en fait beaucoup plus de l’incongruité et du hasard que d’un facile comique de situations qui fut la spécialité de Pierre Richard (il tombe de sa chaise une fois, mais c’est tout).

Pourquoi jugerait-on un auteur au regard du nombre d’oeuvres qu’il nous a laissé ? 

On a l’habitude d’encenser pour toujours les identiques mimiques, tocs et autres singeries d’un cinéaste qui se théorise et s’auto-cite jusqu’à en devenir sa propre caricature, à l’image d’un JLG dont le cinéma expérimental a fini par se recroqueviller sur lui-même.

Car en même temps que l’idée qu’un cinéaste se fait de son propre cinéma s’éclaircit, celui-ci se se fige et perd de son authenticité, qui se dilue dans la conscience qu’il acquiert d’une technique et d’une industrie.

Jacques Rozier, par la rareté de son cinéma, en a préservé toute la pureté.

La pureté d’un premier court-métrage, timide, maladroit, comme un geste qui nous échappe.

_JEAN
8
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le 8 sept. 2023

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_JEAN

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