''How long since you had the body washed and polished?''

l'on en croit les historiens du cinéma, Underworld est non seulement un des premiers films réalisés par Josef von Sternberg mais aussi et surtout une œuvre matricielle du registre du film de gangster. Et il est très intéressant de constater que c'est un cinéaste austro-américain qui pose les jalons d'un style typiquement américain, qui se poursuivra chez Walsh, Hawks, Curtiz, Leroy, Wellman, Scorsese, Coppola, De Palma, etc. Sternberg incorpore dans ce film focalisé sur des criminels (des anti-héros, donc, chose assez rare à l'époque) des éléments divers : un peu de réalisme (notamment dans les séquences d'action qui voient des façades défigurées), pas mal d'expressionnisme allemand (les découpages des figures dans le cadre, les jeux de lumière omniprésents), et le tout lié par du sentimentalisme mélodramatique 100% états-unien. Très beau mélange pour une expérimentation de la fin des années 1920.


La caractérisation des personnages est très habile et séduisante, étonnamment mature pour son temps. Les gros méchants que sont Bull Weed et Buck Mulligan sont remarquablement interprétés par des acteurs américains avec des tronches patibulaires au poil — George Bancroft, excellent. Le petit minois de Evelyn Brent fonctionne à plein régime également, mais c'est du côté du plus gentil des méchants, l'avocat alcoolo ruiné, que l'interprétation se fait la plus faible avec Clive Brook dans le rôle de "Rolls Royce" Wensel. Pourtant, quand Feathers lui avance "How long since you had the body washed and polished?", il est censé fondre littéralement... Un personnage un peu trop terne pour cette figure d'épave qui reprendra vigueur auprès des deux lascars.


La dose de romance tourne autour d'un triangle amoureux élégant, classique mais efficace, mis en avant à l'aide de la mise en scène et la photographie toujours aussi impeccables de Sternberg — la petite plume qui se détache du manteau de la belle et qui finit aux pieds du protagoniste, Bull traqué par la police qui prend le temps de tremper son doigt dans une bouteille de lait pour cajoler un chaton. Le sursaut de conscience final est bien sûr un peu exagéré, en tous cas d'une rapidité quelque peu incohérente, mais on gardera plutôt en mémoire la scène de bal (festival de serpentins) et tous les codes avant-gardistes du film de gangster énoncés méthodiquement.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Nuits-de-Chicago-de-Josef-von-Sternberg-1927

Créée

le 17 oct. 2022

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Morrinson

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