Il est l’heure pour moi d’avouer, je n’ai jamais lu le roman culte, épique et éponyme d’Alexandre Dumas (du moins, je n’en ai aucun souvenir, la faute à un mauvais prof de français). Pourtant comme beaucoup j’avais une certaine curiosité face à cet ambitieux projet de diptyque, une curiosité que certains diront malsaine, tant ce projet ne sentait pas bon : une avalanche d’acteurs bankables (qui rappelait un certain Canet laqué), un réalisateur assez quelconque à la barre (Martin Bourboulon ayant accouché de Papa ou maman 1 & 2 et le biopic Eiffel) ou encore deux scénaristes assez éloignés du monde du blockbuster épique (le duo à l’origine du Prénom). Pourtant il y avait aussi de quoi avoir hâte, au-delà de la simple envie de voir revenir en salles le genre du cape et d’épée ou tout simplement, avoir sous nos yeux un film très ambitieux 100% français ; bref, on pouvait attendre des choses de cette nouvelle itération des Trois mousquetaires. Car si revoir pour la énième fois à l’écran l’histoire des bijoux de Milady peut paraitre, sur le papier, quelque peu quelconque, il me paraît important de noter que ce diptyque est censé confirmer ou non la production à long terme de nombreux autres films au budget plus ou moins mirobolants afin de concurrencer Hollywood sur notre terrain. Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan, c’est donc (après un Astérix qu’on préfèrera taire à jamais) un essai important qui pourrait tout à fait redéfinir une partie du paysage cinématographique français. Cependant la question la plus importante reste surtout de voir, si ce-dit nouveau paysage annonce un renouveau du divertissement hexagonal de grande envergure ou au contraire un cabotinage digne d’un Vaincre ou la mort cérébrale de luxe, si ce n’est, l’horreur, une formule fainéante et programmatique à la Marvel.


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Comme dit plus haut, je suis un casu complet vis-à-vis des Trois mousquetaires, je connais les bases, mais rien de plus. Je dirai donc qu’en termes d’entrée en la matière, c’était étonnement plutôt réjouissant. J’ai participé à une avant-première fin février et je ne savais globalement pas trop où me placer, que ce soit par rapport aux points précédemment abordés ou simplement par rapport à la licence en elle-même. Ainsi, il est vrai que je comprendrai pourquoi beaucoup seront en partie déçu par ce premier opus, puisqu’il reprend un point de départ éculé, essoré et si j’ai bien compris, sans réel apport narratif. Le producteur nous ayant confié qu’il leur paraissait impossible d’adapter d’une traite le premier livre en moins de 4h (et qu’ils seraient chaud pour s’attaquer aux autres volets). Maintenant, il est vrai que la première chose que je me suis dit dès l’apparition du générique, c’est que ce film est une réussite et même une assez agréable surprise bien qu’au final trop sage. Globalement, c’est un bon voir très bon divertissement et une ligne directrice franchement honnête vis-à-vis des potentielles prochaines grosses productions francophones mais surtout, par rapport au cinéma de cape et d’épée. Ce genre, mêlant à la fois film historique et cinéma d’action est ici assez bien dosé avec, en supplément, une petite pointe de romantisme. Là où la plupart des récents blockbusters d’action mettent le film en pause dès qu’il est question d’exposer un semblant de scénario (ça arrive même aux meilleurs, coucou Jhonattan Wick), il y a ici, non seulement un bon dosage, mais en plus un soin apporté à chacune des séquences. Ça vaut aussi pour toutes les qualités de montage et de rythme bien que la narration me paraisse parfois fois trop confuse dans ses enjeux, notamment sur le versant historique. Il y a en effet énormément de perches tendues ici et là, que ce soit par rapport à l’intrigue en elle-même ou le contexte historique. Pour le premier, le problème majeur réside dans l’introduction des personnages, en particulier les secondaires et antagonistes, qui puent à des kilomètres le traitre, sans pour autant avoir des motivations réjouissantes ou imprévisibles. Surtout, j’ai eu du mal à réellement voire où le film allait se diriger en premier lieu, car si le soin apporté à chaque séquence donne un cachet certain au film, cela peut se retourner contre lui quand il doit instinctivement dissocier un simple fil rouge d’une ligne narrative claire et précise. A la limite, l’enquête autour d’une accusation que je ne révèlerai pas (pour les 1% qui, comme moi, sont des incultes) pourrait justifier cette idée, mais ça ne m’a jamais paru réellement exploité ou pensé comme tel, ce qui est dommage. C’est aussi le cas pour les relations entre les différents personnages, elles sont loin d’être artificielles mais peinent à avoir le panache espéré, car prévisibles, sous-exploitées ou simplement confuses. Cependant on peut souligner, que dans un second temps, de vrais efforts disséminés ici et là, à la fois par le charme de certains des acteurs et leur prestance, ou simplement, des scènes qui exploitent à fond le sentiment de complicité entre eux comme celle au sein d’une taverne, des amourettes innocentes et réjouissantes entre d’Artagnan et Constance ou une séquence plus grave qui m’a fait croire un instant que Bourboulon allait oser endeuiller ses héros. Finalement, ces séquences ne sont pas les plus nombreuses mais largement parmi les plus fortes et elles font passer in extremis ce film de produit indolore moyen à réjouissance imparfaite mais agencé avec goût.


Au-delà de ces points, ce qu’on retient de ce premier opus des Trois mousquetaires, c’est l’ambition générale, certes appuyée par la comm, mais qui a tenu ses promesses. Je parlais tout à l’heure de blockbuster, de divertissement, et si le scénario ou du moins l’écriture peut faillir à la tâche, l’image vient combler ce manque. Exit Astérix avec ses décors moins élaborés que ceux du parc éponyme, ses combats laids et inintéressants ou ses costumes décalqués (et encore laids) du matériau d’origine. Chez Bourboulon, les millions ont servis une ambition palpable qui m’a globalement surpris. Presque tout a entièrement été tourné en décors réel, et face à ce simple constat, le réalisateur en tire une force, puisqu’il joue avec ses décors, la lumière et propose un vrai sens de la mise en scène ou du moins de l’esthétique. C’est, il est vrai, loin d’être le plus varié ou original dans ce domaine, mais on arrive à ressentir une certaine splendeur voire grandeur de tout ça. Les décors, et la mise en scène qui en résultent ne sont pas les seules réussites de ce Les Trois mousquetaires, on retrouve aussi une confection de costumes, maquillages, coiffures, accessoires, et autres multiplications de petits détails impressionnants par leur densité, sa diversité et sa simple beauté formelle. Pour autant le film, s’il est léché, n’est pas lisse. C’est cependant un des points que je qualifierai de « sage », même si de l’aveu du producteur, ils voulaient retrouver une certaine crasse de l’époque. Que ce soient des petites ruelles, des objets d’occasions, ou qu’importe, sans jamais faire kitsch, ils trouvent malgré tout la bonne mesure pour nous immerger au cœur du royaume de Louis XIII. Pour autant, ne vous attendez pas à plus, il n’y a rien de morbide ou de réellement original qui ressort de ce point, mais c’est une preuve supplémentaire de l’efficacité du film à la fois dans son action que son exposition. En soit, même la photographie fait assez mouche, bien que les scènes de nuit paraissent par moment sous-éclairées (cependant moins que dans Black Panther 2 pour le comparatif). On peut même dire que cet emballage, en plus de servir l’immersion, sert aussi grandement à détacher le film de son intrigue resucée si ce n’est de son matériau d’origine, ce faisant, il en ressort unique en plus d’être grandiose. Ça en devient même parfois assez insolent, comme une scène en forêt, second terrain de jeu préféré d’Hollywood après les parkings, mais qui, ici, en ressort comme un passage proprement iconique et forte en grande partie grâce au travail de la lumière. De manière générale, les sentiments que le film essaye de convoquer à son spectateur, ou même la tension de certaines séquences (notamment celle de la perruque de Milady) sont grandement permises par le cadre, un ressort plus subtil mais aussi plus cinématographique qu’attendu de prime abord. En plus d’être mijoté à point, la formule des Trois Mousquetaires, bien que toujours blindée d’imperfections déjoue les attendus du blockbuster hollywoodien classique, avec un emballage détonnant qui apporte à cette base une certaine finesse à sa laborieuse narration en lui insufflant, dans un premier temps, la grandeur d’un blockbuster galvanisant puis, des émotions fortes qui arrivent à se passer de dialogues.


S’il y a peu de choses à retenir du fond de Les Trois Mousquetaires, il en reste à voir dans ce qu’il entreprend pour passer de blockbuster déjà vu au film d’envergure dont il a les prétentions. Jusqu’ici, je n’ai qu'effleuré la question des scènes d’action, pourtant un des éléments essentiels du cinéma de cape et d’épée, et une part non négligeable de ce qui constitue l’ADN des Trois Mousquetaires. Pour ceux qui ne le sauraient pas (mon cas lors de la projection), le film a décidé de jouer sur un ressort très vendeur des récents films d’action : le plan séquence. Sur les 150 jours de tournage, c’est notamment 2 semaines qu’auront demandé la scène dans la forêt, un faux-plan séquence d’environ 5 minutes assez bluffant (pour un faux) et dynamique. Le film essaye alors encore de s’extirper du cinéma d’action classique pour offrir quelque chose d’assez neuf dans la production Française. Dans la scène précédemment citée, il n’est pas simplement question de filmer l’action, mais de s’y faufiler afin de suivre tour à tour chacun des protagonistes (et ainsi les introduire par l’image). Si ça peut parfois jouer à son désavantage dans la lisibilité de l’action (je pense notamment à la première scène), ces quelques passages dénotent encore plus ce film du blockbuster classique et rendent même le résultat plutôt osé. C’est même dommage que le climax du film, techniquement très abouti et réussi, ne soit contrairement aux autres scènes d’action, pas en plan-séquence et opte pour un montage beaucoup plus classique qui m’a moins parlé. Ces scènes sont aussi le moyen le plus fort de voir l’investissement des comédiens, qui en plus de faire leur propres cascades (et pas que des simples) apportent aussi un charisme et une identité aux protagonistes, alors que, comme dit haut, ils sont introduits un premier temps assez maladroitement. Dans un certain sens, la plupart des comédiens réussissent même à s’effacer derrière leur personnage, en particulier Eva Green et François Civil, bien que leur personnalité colle parfaitement aux rôles de Milady et d’Artagnan. Une certaine cohésion de jeu donc, qui vient donner un certain cachet au film dans sa globalité en plus d’amenuir les imperfections de l’écriture. C’est par ailleurs une qualité que l’on retrouve sur quasiment tous les autres rôles, et si Louis Garrel paraît un poil caricatural, la formidable Vicky Krieps et la déjà très talentueuse Lyna Khoudri s’en sortent magnifiquement. Finalement, même si ce premier opus tombe sur certains aspects plutôt à plat, il est souvent rattrapé par sa rigueur et les moyens qu’il emploie pour s’effacer de la norme, pour, qui sait, en créer une nouvelle dans le cinéma de grand divertissement Français.


En dépit de lourdeurs du scripte, et d’une fin/scène post-générique assez forcées, comme de certains points techniques par moments inaboutis, Les Trois Mousquetaires – d’Artagnan offre un blockbuster proprement réjouissant dans le paysage francophone, grâce à une conception minutieuse si ce n’est passionnée par tous ceux qui y sont associés et agrémentée par quelques coups d’éclat qui offrent des images aussi spectaculaires, qu’elles peuvent offrir une tension ou une magie qui leur est propre en plus de souvent se passer d’exposition. La preuve qu’il ne faut pas 200 patates et des fonds verts pour voir aboutir un aussi gros projet, mais de la passion et une fougue qui donne bien envie d’attendre l’opus « Milady » ce 13 Décembre.

Vacherin Prod

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