Le road trip à travers la France des années 70 de deux loubards dégénérés.Je dois bien l'avouer,je me suis longtemps fait avoir par ce film que j'ai vu plusieurs fois au fil du temps.Cette sorte de manifeste anarchiste post soixante-huitard est,il faut bien le dire,de nature à séduire des esprits peu éveillés.Eh oui,quand on est jeune on est en général très con.Avec le recul l'oeuvre a très mal vieilli et les coutures apparaissent de manière impitoyable.On est donc six ans après 68 et Bertrand Blier,un fils de,un bon bourgeois,ce qu'on appellerait aujourd'hui un bobo,écrit et réalise son deuxième film de fiction en adaptant son roman à succès paru en 72.Ce qu'on note d'emblée est que c'est bien foutu.La réalisation est inspirée,dynamique,et utilise à merveille tout un tas de paysages de la France profonde d'alors et une distribution de tueurs fabuleusement dirigée.La technique suit avec de bons professionnels comme le chef-opérateur Bruno Nuytten,futur réalisateur de "Camille Claudel",qui signe une image délicieusement granuleuse typique des seventies,tandis que la musique guillerette du jazzman Stéphane Grappelli instaure une ambiance fun et décontractée.Là où ça devient plus problématique,c'est quand on examine le fond de cette histoire,et plus particulièrement la personnalité des deux "héros" Jean-Claude et Pierrot,les sous-merdes glorifiées par les auteurs.On a là de beaux spécimens de salopards,des types qui sont des voleurs,des violeurs,des vandales qui n'ont aucune limite.Ce sont ces ordures certifiées que Blier entend glorifier et nous vendre comme les représentants emblématiques de la nouvelle génération libre et épanouie.L'ami Bertrand aurait-il été bercé trop près du mur de la Sorbonne?Se branlait-il le soir en écoutant les diatribes de Cohn-Bendit?Toujours est-il qu'il semble croire dur comme fer à tous les slogans débiles qui plaisaient à l'époque,genre "il est interdit d'interdire","sous les pavés,la plage","la propriété c'est le vol" et autres fumisteries gauchistes.Voici donc nos deux voyous de banlieue lancés dans une fuite en avant,poursuivis mais jamais rattrapés par une police nulle,et semant les méfaits sur leur passage.Ce qui ressort de tout ça est une haine viscérale pour le travail,pour les Français,pour toute forme de société civilisée et un mépris absolu pour la gent féminine,envisagée comme un vivier de viande à baiser avec ou sans consentement.On squatte,on agresse,on menace,même des enfants,on vole tout ce qu'on peut razzier,et on assouvit ses pulsions sexuelles,ce qui constitue le coeur d'un film où l'obsession du coït est primordiale.Au nom d'une "morale" répugnante,le duo de connards pelote en pleine rue une pauvre femme isolée,enlève et soumet à ses désirs une shampouineuse frigide,qu'on calotte à l'occasion au nom d'un machisme bien compris,agresse dans un train une jeune mère allaitante,récupère à sa sortie de prison une vieille taularde dont la détention est supposée l'avoir rendue sexuellement frustrée et donc "bonne à faire",pour finir par dépuceler une ado en fugue,tout ceci sur le mode du triolisme qui parait être un fantasme récurrent chez Blier.Les potes sont inséparables,et quand ils n'ont pas une salope sous la main,ils s'enculent entre eux,le mâle dominant JC usant de sa force pour contraindre son complice.On a beau être circonspect face au féminisme,le machisme à un tel niveau n'est rien d'autre que de la prédation.Pour bien compléter le tableau,ces ordures sont des lâches qui ne s'attaquent qu'à plus faible qu'eux et se barrent en courant comme des rats dès qu'une force supérieure se pointe.Et puis ces dialogues,entre fausse subversion et poésie claquée,on dirait que Blier s'épuise à vouloir imiter Audiard et sa verve argotique pour n'aboutir qu'à du sous-Audiard à la ramasse.Reste l'énigme de la scène finale,qui voit les trois personnages principaux se balader dans une énième voiture volée sur une route de montagne.Il s'agit d'une DS,dont ils ignorent qu'il s'agit du même véhicule qu'ils avaient saboté au début de l'histoire.Enfin,c'est ce qui était prévu par Blier,avec à la clé un accident qui aurait introduit in extremis un sursaut moral dans cette ignominie cinématographique.Mais le distributeur américain a mis son veto,les ricains veulent toujours des happy-end,et Bébert s'est couché parce qu'on a beau prôner l'anarchie,le fric c'est sacré.Du coup l'auto s'engouffre dans un tunnel et c'est tout,le film est fini,les fumiers resteront impunis.De toute façon Blier n'a jamais su conclure ses films.Les scènes de sexe et de nudité abondent,les mecs comme les filles se désapant à gogo,et il est vrai que c'est très hot,au point qu'on se demande comment des actrices réputées et respectées ont pu accepter de se livrer ainsi à la caméra du cinéaste.Passe encore pour Miou-Miou,issue du café-théâtre et de la contre-culture,qui passe quasiment tout le film à poil,mais voir Brigitte Fossey se faire sucer les nichons dans un wagon de chemin de fer ou Jeanne Moreau taper la partouze avec les deux furieux est plus surprenant.Gérard Depardieu et Patrick Dewaere sont incroyables et plus vrais que nature en salopards décérébrés shootés aux instincts primaires et dépourvus de toute retenue.Le pire est qu'ils font pâle figure comparés aux racailles actuelles.C'est d'ailleurs l'intérêt sociologique du film que d'annoncer involontairement la dégénérescence des sociétés occidentales minées par le libertarisme,le laxisme,la culture de l'excuse et tout ce qui mène au chaos.Beaucoup de très bons acteurs surgissent au gré des rencontres de la paire de nazes.Jacques Chailleux est un délinquant fraîchement libéré de prison qui n'a rien de plus pressé que d'assassiner un maton joué par un autre Jacques,Rispal en l'occurrence.Gérard Jugnot,Sylvie Joly et Christian Alers se font voler leurs bagnoles,Dominique Davray est une rombière harcelée par Pierrot et JC,Michel Peyrelon un médecin contraint de soigner Dewaere qui s'est pris une balle,une toute jeunette Isabelle Huppert est une connasse d'ado révoltée contre ses parents qui se fait déflorer dans un champ,Thierry Lhermitte surgit fugitivement en voiturier à l'ouest et,le meilleur pour la fin,Marco Perrin en vigile de chez Mammouth,enseigne disparue,tape une séquence d'anthologie avec Depardieu,chacun menaçant et provoquant l'autre dans un concours de bites savoureux.Note et critique de film de Bertrand Blier publiées précédemment:"Convoi exceptionnel"-4.Moyenne:3,5.

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