A l’heure où les livres ne servent plus qu'à réchauffer les âmes perdues qu’un soleil embrumé ne peut désormais plus irriguer en vitalité, le désespoir semble avoir pris possession du monde. Réflexion très noire sur le nucléaire et ses dangers, mais plus généralement sur la nature humaine, Lettres d’un homme mort est une œuvre asphyxiante qui, malgré sa courte durée, se révèle assez exigeante à suivre.


La faute à un travail photographique oppressant qui ne laisse jamais les corps reprendre leur respiration. Perdus dans les paysages dépressifs de Konstantin Lopouchanski, les poumons ne peuvent espérer rien d’autre qu’un air sous-terrain vicié. Quand ils ne sont pas à l’abri, coupés d’une atmosphère radioactive dans des espaces clos peu éclairés, c’est par l’intermédiaire d’un masque à gaz étriqué qu’ils peuvent contempler les extérieurs ravagés d’une terre que l’humanité a éteinte.


Lettres d’un homme mort pourrait alors se conforter dans son pessimisme originel, en laissant ses personnages s’embourber dans un chemin qui ne conforte que leur perte future. Mais Konstantin Lopouchanski distille dans son avertissement sentencieux un humanisme salvateur pour rappeler que si l’homme est enclin à détruire, il peut aussi se montrer altruiste et bien décidé à se battre. Bien loin de la fibre héroïque qui généralement, au cinéma, sauve les bipèdes de leurs âneries, ici c’est un père de famille dépassé, un ancien professeur totalement perdu, uniquement maintenu à flot par l’espoir ténu de retrouver un jour son fils disparu, qui se fait le vecteur d’un espoir balbutiant. Sa fibre paternelle, qui s’exprime atour d’un sapin de noël de fortune, fait la différence et permet au film de s’éteindre de belle manière.


Non pas que Konstantin Lopouchanski énonce clairement le début d’une réconciliation avec l’humanité, mais il n’exclut pas l’espoir que cette dernière puisse retrouver ce souffle noble qui l’a construite. Lettres d’un homme mort se ferme sur l’image très forte d’une file indienne enfantine au destin incertain, mêlant tristesse et espoir sans réellement favoriser l’un ou l’autre. Un équilibre des force subtil qui permet à ce film post-apocalyptique singulier d’inspirer un profond respect même s’il ne provoque pas, de façon immédiate, une vive envie de le revoir.




[ 7.5/10 ]

oso
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le 28 mars 2015

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oso

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