Après la science-fiction post-apocalyptique polonaise chez Żuławski, voici la science-fiction post-apocalyptique soviétique chez Konstantin Lopouchanski, qui malheureusement me laisse sur un sentiment aussi mitigé que "Le Visiteur du musée" — même si j'ai préféré le pessimisme austère et jusqu'au-boutisme de "Lettres d'un homme mort" à l'exubérance un peu trop hystérique et verbeuse de "Sur le globe d'argent". Se fracasser de ce cinéma ultra exigeant, dénué de vraies péripéties qui nourriraient un semblant de rythme, qui met à rude épreuve la capacité à conserver une certaine quantité de joie de vivre, me fait me demander si j'ai tourné la page de ce noir que j'adorais. Le genre de sensation qui me donnerait envie de revoir des choses comme "Le Deuxième Cercle" d'Alexandre Sokourov pour vérifier que je n'étais pas sous ecsta au moment de l'apprécier aussi fortement.


Le fait que ce film ait attendu plus de 6 ans dans mon placard imaginaire avant que je n'ose m'y lancer (poussé par une coïncidence karagargienne) n'est probablement pas étranger à ma difficile adhésion... Mais bon, il faut bien le dire, ce n'est pas un film très gai, et on n'a pas envie de crier sur tous les toits qu'on s'est infligé une telle épreuve à base de survivants dans un univers post-apocalypse nucléaire, prisonniers d'un sous-sol d'où ils ne peuvent sortir qu'en combinaison hazmat complète, et le tout enserré dans une photographie au filtre jaune (quelques passages bleus) qui finit par peser sur l'estomac.


Un environnement délabré, dans un pays indéterminé, avec des gens qui doivent pédaler pour éclairer une cave, et un ancien prix Nobel qui écrit des lettres à son fils disparu depuis la catastrophe. Voilà le tableau de la destruction planétaire proposée, dans un film qui laissera quand même floues les conditions ayant conduit à cette apocalypse — tout juste devine-t-on une erreur lors du lancement d'une fusée. C'est un film associé au corpus des angoisses nucléaires sorti un moins avant la catastrophe de Tchernobyl, et qui véhicule cette peur de manière tenace, avec confinement sous-terrain et masques à gaz anxiogènes. Déprimant, mais intéressant en tant que complément à tout l'imaginaire de l'ouest construit sur le même sujet, dans une version glauque tournée vers le déclin et le lent dépérissement autant physique qu'émotionnel. Entre Tarkovski et Marker, avec cette image finale marquante d'une file indienne d'enfants qui errent à la surface d'une planète ravagée.

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le 7 sept. 2023

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Morrinson

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