Limbo
6.3
Limbo

Film de John Sayles (1999)

Drames économiques et sociaux d'un port alaskien

Jusque-là j'avais toujours apprécié le style d'écriture de John Sayles le scénariste de ses propres réalisations, que ce soit pour des choses aussi originales que "City of Hope" ou "Return of the Secaucus Seven", mais on atteint ici une limite nette qui pourrait s'apparenter à de la sur-écriture à mon goût. Déjà, en un sens, le titre et l'affiche annoncent la couleur, avec ses multiples définition du mot "limbes", histoire d'être sûr que tout le monde comprenne qu'on va avoir affaire à un état d'incertitude partagé par plusieurs personnages. À trop vouloir tisser sa toile de fond, Sayles s'est perdu dans la profusion de détails / thématiques et dans la multiplication des rapports croisés entre personnages.


Pourtant dans les premiers temps du film, j'ai beaucoup aimé le style narratif caractéristique de Sayles, qui fait la part belle aux dialogues à la fois quotidiens et révélateurs, permettant aux personnages de réellement exister à nos yeux, avec leurs sentiments, leurs passifs, leurs lubies. J'ai aussi beaucoup apprécié comment il a filmé la vie de cette petite ville d'Alaska, avec ses discussions de pubs, avec son activité économique centrée sur l'industrie du poisson en conserve, et surtout la pression exercée sur l'économie locale forcée de muter vers un modèle davantage orienté le tourisme. Ce point est très réussi dans le film, mais ce n'est malheureusement qu'un élément — conséquent — de décor.


Mais le passif qui colle à la peau du personnage principal (David Strathairn) est un peu trop surligné pour paraître spontané et naturel, on sent qu'on nous met des couches et des couches de traumas du passé, un homme qui a vécu un épisode dramatique il y a X dizaines d'années et qui se remet petit à petit en ayant changé de vie, blablabla. Forcément, sa rencontre avec Mary Elizabeth Mastrantonio sera l'occasion de voir se rencontrer deux destins brisés qui recolleront ensemble les morceaux... Un peu lourd comme symbole. Et quand son demi-frère débarque, on embraye sur un autre niveau de n'importe quoi, qui fera chavirer le film vers une seconde partie complètement différente du reste, en mode survival à la Robinson Crusoé, à trois échoués sur une île déserte après avoir échappé à la mort. Et orné d'une absence de fin mémorable — un peu trop facile, faussement ouverte, mais comme pour dire que l'essentiel n'est pas là. Éminemment différent des standards hollywoodiens, agréable dans ses détails anecdotiques (comme la présence de Kris Kristofferson), mais un peu trop chargé entre chronique sociale, thriller, drame familial, message écologique, survival, etc.


À rapprocher de “The Catch” de Shinji Sōmai, en matière de drame à composante marine.

Créée

le 20 août 2025

Critique lue 6 fois

Morrinson

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