C'est peut-être le défi le plus difficile que Stanley Kubrick s'était lancé. Adapter une histoire d'amour impossible entre un homme et une jeune fille mineure, Lolita. Le roman, très connu, de Nabokov n'est pas le plus facile à lire, j'ai pu m'en rendre compte.
Mais j'étais curieux de voir comment Kubrick pouvait adapter une histoire d'amour aussi amorale dans une Amérique encore attaché à ses traditions et à son puritanisme.
Kubrick signe à mon avis son film le plus ingénieux. De très loin. Car il fallait être d'une ingéniosité sans faille pour rendre compte de cette folle histoire d'amour. Dolorès Haze, interprétée par Sue Lyon a 16 ans (pas si fou le Stanley !) lorsqu'elle tourne Lolita. Elle est tout simplement parfaite pour ce film. Accompagné du très sérieux James Mason qui récite une partition intéressante malgré la complexité de la tâche. Sa descente aux enfers est longue de 2h30 et rien ne viendra le sauver. Car il ne faut pas s'y tromper, derrière cette "histoire d'amour", Humbert vit une véritable descente aux enfers qui l'emmènera vers le meurtre de son meilleur ennemi. Cette descente commence dés qu'il aperçoit Lolita, ensuite il ne va voir sa vie que par le prisme de Lolita. Lolita. Lolita. Lolita.
Sa blondeur, sa candeur mais aussi sa beauté, son attraction. Il s'oblige a vivre une vie qu'il ne veut pas. Mais le hasard semble lui profiter. Que nenni. La descente continue, il est fou d'elle. Il s'enferme, coute que coute dans un fanatisme pour sa Lolita. Lolita. Lolita. Pour au final la perdre, mais lui offrir ce qui lui reste de lui. Le peu qui lui reste.
D'une ingéniosité rare, Lolita est un réquisitoire pour la suggestivité. Gare à toi petit malfrat qui pense apercevoir la belle Sue Lyon, tu n'en verras rien. Kubrick utilise toute sa maestria pour que le spectateur imagine. Ce qui est d'ailleurs franchement perfide et au final plutôt machiavélique. Car on se prend à imaginer beaucoup de chose....On vous l'avait dit : immoral ! D'ailleurs je suppose une forme de jeu fallacieux et insidieux de papy Stanley pour le coup....
Car au final, seul le destin de Lolita n'est acceptable dans cette histoire. Car aucun des deux ou trois autres destin n'étaient possible. Pourtant Humbert est plein de bonté, ce qu'il veut est tout à fait acceptable : le bonheur de Lolita. Mais celui-ci est dupé.
Dans une intrigue cousue d'or, Kubrick livre 2h30 d'un amour passionné (mais quel amour ?) et platonique. Kubrick force un peu quand même les choses en poussant son récit sur plus de deux heures. Mais quand bien même Lolita traine en longueur, la tension est ascendante. Alors que tout se referme sur Humbert.
Humbert a désiré Lolita, Humbert a aimé Lolita, passionnément. Au point de penser pouvoir se l'approprier par une bonté exacerbée. Trahi par sa muse. Il n'en perd pourtant jamais sa bienveillance devant sa prochaine. Lolita aura été jusqu'au bout sa raison de vivre et sa raison de mourir. Car Lolita représente certes la séduction mais elle est aussi la perversion !