I'm not a man, I'm a postman
Ken Loach réussit son pari de comédie en conservant ses thématiques fétiches tout en n'hésitant pas à prendre du recul, un certain contre-pied ironique, par rapport à son propre style (tout comme Cantona joue avec son image). On craint parfois le trop-plein moralisateur (avec Cantona débitant des aphorismes à la vitesse de la lumière), mais l'ensemble emporte l'adhésion par sa légèreté à toute épreuve. A travers le parcours chaotique, tragi-comique, de ce postier de Manchester qui, se révélant impuissant face aux difficultés qui l'accablent, va réapprendre à se battre et apprécier la vie, Loach nous parle d'amour et de solidarité avec une simplicité touchante.
Alors, certes, le film présente un défaut de structure narrative, Loach n'ayant pas su conserver l'originalité et la facétie de son point de départ, en empruntant des sentiers plus balisés dans la seconde moitié du film (à travers une histoire de gangster de quartier peu convaincante). Pour autant, ce manque d'unité est rendu inopérant par une énergie revigorante et le talent de ses interprètes (notamment la révélation Steve Evets).
Notons que le déséquilibre dramaturgique déjà à l'oeuvre ici, s'en trouvera démultiplié dans l'un des films suivants du cinéaste, La part des anges, où, en plus de céder à certaines facilités comiques, Loach va jusqu'à complètement déconnecter les enjeux de la première et de la seconde moitié de son récit.