Le grand défaut de Lovelace n’est autre que le manichéisme avec lequel il aborde son sujet et découpe son film en deux pans égaux, l’un épousant un optimisme que l’autre vient démolir, soucieux de donner à voir l’envers du décor au spectateur. De cette dichotomie le film ne tire pourtant pas grand-chose : l’héroïne passe de Justine candide à héraut féministe, mais nous n’avons jamais accès aux étapes d’une telle prise de conscience. Tout est à la fois attendu, cliché et mis en scène de façon spectaculaire, échouant à restituer le climat des années 70 autrement que par ses coiffures fantaisistes et ses musiques vintage.
La pauvre Lovelace, deux fois suppliciée – puisqu’elle finit par raconter une histoire que nous venons de voir –, reste un corps que l’on dénude, les réalisateurs n’essayant à aucun moment de se mettre à sa portée, de délaisser l’ampleur du biopic pour la laisser s’exprimer, pour la saisir dans sa tristesse, son silence, son désarroi fondamentaux. En résulte une petite production chic et pas choc qui édulcore un peu et radicalise beaucoup. Nous aurions aimé à la place un véritable point de vue, tant narratif qu’esthétique, sur le personnage et sur le milieu investi.