Le cinéma fête ses 130 ans cette année. Les américains ne s'en sont jamais remis, mais ce sont bien deux français qui l'ont inventé. Deux frangins lyonnais (d'adoption car ils sont nés à Besançon).

Auguste et Louis Lumière ont décidé un jour de mettre les images fixes en mouvements mais surtout de faire en sorte que ce qu'une seule personne à la fois pouvait voir grâce au kinétoscope de Thomas Edison soit diffusé devant un large public. Lors de la première séance publique le 22 mars 1895, un spectateur assistait au spectacle, d'abord perplexe avant d'être ébloui par la prouesse. Il s'agissait de Georges Méliès qui a souhaité acheter l'invention aux frères. L'un des deux lui aurait répondu : "cette invention n'a aucun avenir".

Thierry Frémaux (dont la personnalité ne fait pas l'unanimité mais que j'ai toujours trouvé passionnant à écouter) est le sélectionneur des films en compétition au Festival de Cannes depuis 2000 et également directeur de l'Institut Lumière à Lyon. Il est aussi en charge de la restauration des films des frères Lumière qui ne se sont pas contentés d'inventer le cinéma mais d'être réalisateurs eux-mêmes (surtout Louis, Auguste se contentant souvent d'être acteur).

Ce film est le résultat de la restauration soigneuse de ces films que les Lumière appelaient alors des vues. Chaque vue dure 50 secondes. Il y en aurait plus de deux mille et nous pouvons ici en admirer 120. Je vous garantis que c'est absolument prodigieux. Aidés dans notre découverte par le commentaire érudit mais accessible de Thierry Frémaux, nous en comprenons toute la valeur et toute la beauté. Il ne s'agit pas uniquement de saynètes anodines mais bien d'un témoignage vivant, vibrant de la vie au tout début du XXème siècle. Des scènes familiales où la famille et surtout les enfants Lumière faisaient office de figurants mais aussi la vie bouillonnante d'une rue ou d'un quartier parisien, le port de Marseille, celui de Toulon et encore Alger ou Kyoto. On découvre des anonymes au travail, une troupe d'acrobates et plein d'autres moments savoureux qui par leur durée ne permettent jamais la lassitude.

Le cinéma des frères Lumière ce n'est pas seulement L'arrivée du train en gare de la Ciotat ou La sortie des usines Lumière (dont nous voyons les trois versions) mais aussi tous ces témoignages d'une époque et d'un art dont les pionniers avaient déjà découvert toutes les possibilités. Je citerai celle amusante et pleine d'inventivité où le réalisateur s'amuse à passer une séance de saute-moutons à l'endroit puis à l'envers. Effet comique garanti. Mais il y a aussi ces lavandières au travail ou ce menuisier qui porte chemise blanche et cravate pour l'occasion et la postérité. Sans oublier le mythique Arroseur arrosé qui revient dans une autre séquence que l'on pourrait appeler La partie de cartes...

On peut juste regretter un peu l'omniprésence de la musique parfois écrasante de Gabriel Fauré, choisi pour illustrer les images parce qu'il était contemporain des Lumière quand un piano aurait suffi. Mais on apprend aussi l'origine de la formule "tourner un film" (je ne m'étais jamais posé la question). Simplement parce qu'à l'époque l'opérateur tournait une manivelle. L'expression est restée.

C'est magnifique, d'une qualité remarquable, c'est magique et la base il me semble de la cinéphilie.

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le 24 mars 2025

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