Le destin d’une saga cinématographique est toujours imprévisible. Si Hollywood a souvent tendance à rentabiliser au maximum une série à succès, parfois en dépit du résultat, il en est certaines qui reste dans les mains de leurs créateurs, pour le meilleur comme pour le pire. Si les prochains Jurassic Park et Star Wars tous deux à venir dans l’année promettent beaucoup alors qu’ils ne sont pas repris par leurs réalisateurs d’origine, il est toujours plus rassurant de voir qu’une saga reste dans les mêmes mains quoiqu’il arrive. Seulement voilà, les deux suites au film « Mad Max » dans les années 80, même en conservant tout du long leur réalisateur George Miller, n’étaient pas parvenues à égaler le charme du premier, tout en échouant à bâtir des piliers stables si ce n’est son mythique personnage principal. Aussi l’annonce d’un quatrième opus sous-titré « Fury Road » toujours réalisé par Miller, trente ans après le très moyen Mad Max 3 avait de quoi intriguer, peut-être même avec une certaine crainte. Pourtant, il a depuis sa sortie généré un consensus presque sans précédent. Mérité ?


Oh que oui. Dès son implacable scène d’introduction, Mad Max 4 scotche au siège et n’en finit pas de surprendre tout au long du film. La première chose dont on aurait pu avoir peur, c’est que le film se contente de reprendre les ingrédients des précédents épisodes pour produire quelque chose d’acceptable, mais forcément daté dès le jour de sa sortie. Pourtant, Fury Road s’impose comme un film aux thématiques et à l’esthétique bougrement modernes. Outre un propos écologique et même féministe tout à l’honneur de ce cher George, le récit installe enfin de véritables personnages forts en dehors de Max, qui s’éclipse d’ailleurs de lui-même, ce qui n’est finalement pas plus mal tant il était agaçant que ce soit le seul personnage consistant de Mad Max 2 et 3. Tom Hardy, malgré sa voix grave, ne fait clairement pas le poids face au groupe de personnages féminins, mené par Furiosa dont le charisme et la « virilité féminine » n’a rien à envier même à la grande Sigourney Weaver. En plus d’avoir le rôle le plus important dans les scènes de courses-poursuites, cette dernière permet de donner une dimension touchante à l’histoire, teintée de désillusion. Un grand écart accompli avec grande maîtrise par l’actrice Charlize Theron. En dénonçant une forme d’endoctrinement religieux, le film se place enfin au plus proche des préoccupations de notre société actuelle.


C’est l’esthétique qui frappe ensuite un grand coup : car si l’univers de la première trilogie avait un certain cachet avec ses costumes faits de cuirs, ses tôles froissés et son iconique désert aride, ce nouvel épisode réinvente sa grammaire pour nous servir de fabuleux effets de lumières, des décors plus spectaculaires que jamais, et des costumes qui n’ont désormais plus rien de kitch. Et si vous craignez 2 heures de traversée du désert sans changement de cadre, certaines images du film, notamment de nuit, renouvellent et enrichissent un univers nettement plus varié qu’avant. Rien que pour ce plan de marécages lugubres habités par des créatures indescriptibles, ou la tempête de sable écrasante, on peut dire qu’il y a un souci d’échapper au décor unique, en plus d'être des images terriblement évocatrices et sublimes. Miller soigne de plus sa mise en scène, millimétré et jouissive, permettant de retranscrire les très nombreux moments de folies purs avec des mouvements de caméra ambitieux, et des accélérés pour le moins audacieux, tout en restant parfaitement lisible. Cela procure des sensations de vitesse qui n’ont jamais été aussi puissante que dans ce film. La bande-son enfin est elle aussi d’une qualité rare : airs de musique classique se succèdent aux percussions, en passant par une guitare électrique des enfers pour rythmer les scènes d’actions devenant de véritables monuments du genre. Il règne une maturité dans ce « Fury Road » (la preuve, il est l’un des rares films hollywoodiens actuel à oser faire mourir des personnages importants de manières plus viscérales et crues que larmoyantes) qui fait du film un véritable aboutissement, un paroxysme incroyable pour la série et son réalisateur.


Voilà enfin un blockbuster, qui plus est suite d’une série d’il y a trente ans, qui sait vivre avec son temps et développe son intrigue et ses thématiques avec une intelligence rare ! Le film fera inévitablement date, il est tout simplement l’un des films de divertissement parmi les plus aboutis de ces dernières années. Le cinquième opus de la série d’ores et déjà prévu pour 2017 va permettre de poursuivre cette réussite et d’enfin propulser « Mad Max » au panthéon des films post-apocalyptique. Car si ses trois premiers films furent une source d’inspiration pour beaucoup après leur sortie, ils étaient loin d’être exempt de défauts.


Ma critique de "Mad Max 1" :
http://www.senscritique.com/film/Mad_Max/critique/38254311

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le 30 mai 2015

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Marius Jouanny

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