30 ans après Beyond Thunderdome, George Miller revient à ses premiers amours et à sa saga Mad Max après avoir passé pas mal de temps à s'attaquer aux films familiaux ( Babe, Happy Feet ). Pourtant même si il y a une différence majeur entre ces films et les Mad Max, ceux-ci partage néanmoins des thématiques semblables et Miller s'est donc créée une filmographie éclectique mais cohérente car il dispose d'une véritable vision d'auteur. Le voir revenir à ce qui a fait son succès et sa renommé est quelque chose d'assez curieux mais de néanmoins cohérent avec son oeuvre et ce qu'il cherche à nous dire et à nous transmettre car il n'y avait que lui pour retoucher au mythe qu'il avait ériger il y a de ça plus de 30 ans, pour le renouveler, le respecter et le rendre meilleur qu'il ne l'a jamais été.


Scénaristiquement on retrouve cette épure propre à la saga, l'histoire ne passe pas par les mots mais par l'image, l'action et le symbolique. Car ici les dialogues seront réduits au strict minimum car il n'y a tous simplement pas besoin de mots, le cinéma se construire par la force des images et non par la puissance des mots. Surtout qu'ici la trame principale se fera simpliste racontant un aller et un retour où le maître mot est la survie. Mais en aucun cas cela sera un problème, bien au contraire c'est même ce qui fait la qualité du film, dans une époque où l'on construit des intrigues parfois faussement complexe pour paraître intelligent avec une multiplication des sous intrigues inutiles, des romances appuyés et niaises, des twists prétentieux et etc. Ici le film ne mâchera pas le travail du spectateur et va réussir à créer un univers vaste et cohérent par ses images mais offrir une dimension intellectuelle non négligeable à son film par la suggestion, le symbolique mais aussi par le passé même de la saga. Car même si le film est indépendant et qu'il fonctionne de lui-même et que l'on n'est pas obligés d'avoir vu les précédents films, celui-ci reste raccord avec les précédents et les avoir vu permet de mieux saisir le message du film, celui qui parle de la puissance du mythe et de sa réactualisation. Un mythe irréel et salvateur, qui n'a pas de visage ou d'âge mais juste un nom et un passé trouble. Car même le changement d'acteur pour le personnage de Max à un sens, il est le mythe du guerrier solitaire, qui sort de nulle part pour aller nulle part, qui va aider les autres dans leurs quêtes pour ensuite disparaître au soleil couchant, il est à la fois humain et animal, réel et irréel. Et c'est pour cela qu'il semble être mis de coté au sein du film car ce n'est pas son histoire qu'on raconte, comme ça ne l'était pas vraiment dans The Road Warrior ou Beyond Thuderdome, il n'est que le grain de sable dans l'engrenage, ce n'est pas l'histoire d'un homme mais de tous où lui fait office de mythe pour émerveiller les générations futurs. L'histoire c'est celle de l'homme, de son besoin de se rassembler, de se détruire, de dominer avec ses qualités comme l'entraide, la compassion, la croyance et l'amour ( une romance habile et suggérée plus que montrée ) mais aussi ses défauts comme le despotisme, la folie, le fanatisme, la violence et l'incommunicabilité. Ici le film va même trouver une autre dimension, celle du féminisme. Les personnages féminins ont toujours été les égales de l'homme dans la filmographie de George Miller, mais ici elles finissent par prendre le dessus et être les véritables héroïnes de ce film, pouvant se débrouiller seules avec force et parfois fragilité. Elles sont symboles d'espoir et d'avenir mais pervertis par le besoin d'un homme de les réduire en chose et de les posséder. Elles s'émancipe de leurs statuts d'objets sexuels et de procréation pour s'imposer en tant que femmes. Ce qui est d'ailleurs terrifiant c'est que un film qui parle de l'émancipation féminine reste encore d'actualité à l'époque d'aujourd'hui car peu importe l'époque elles sont toujours traitées comme inférieur à l'homme et celles qui sont infertiles ne sont pas traitées en tant que femme mais en temps qu'homme. Furiosa en ça se montre être un personnage passionnant, à la backstory suggéré au détour d'un dialogue mais aussi par le symbolique, on suppose qu'elle a été enlevée par Immortan Joe pour être une de ses porteuses mais étant infertile il à décider d'en faire un guerrier asexué au crâne rasé. Au début du film elle n'est pas femme, elle est même appelé Imperator, signe de masculinité. Que ce soit par sa force, sa personnalité et son traitement elle rejoint les meilleurs personnages féminins vu dans des blockbusters et elle forme un magnifique trio avec Ripley et Sarah Connor qui sont la quintessence de la femme forte même si paradoxalement pour cela elle doivent être asexuées. Mais Miller prend cela à contre pied dans le traitement des "épouses" d'Immortan Joe, qui sont des femmes très sexuées et fragiles mais aux caractères bien trempées, chacune à sa propre personnalité et ses propres forces et chaque femmes du récit sont ici traitées avec intelligence et respect, leur donnant toute la dimension qu'elles méritent. Pour autant le film ne tombe pas dans un propos anti-masculin même si il offre une vision peu flatteuse de l'homme, il le traite de manière assez juste, ce sont des enfants violents et impétueux qui ne suivent que leurs instincts étant parfois stupides, possessif et incapable de se gérer seuls, se soumettant toujours à la volonté d'un autre au point même de se sacrifier pour ça. Ils sont au final ce qu'ils aimeraient que les femmes soient des être soumis, stupides et en besoin constant d'autorité. Et cette vision de la masculinité n'est pas totalement fausse et le personnage de Nux en est la représentation parfaite car au final l'homme n'a besoin que d'une chose, d'attention et d'amour comme un enfant apeuré. Une chose que seule les femmes peuvent offrir, elles qui sont fortes et indépendantes arrivant à prendre leurs propres décisions. Ici le traitement de Max se fera relativement différent, il semble déconnecté à tous cela, il à ses propres objectifs mais il recherche la même chose que ses femmes même si il ne se l'avoue pas, son traitement psychologique se fera plus classique en se qui concerne les démons de son passé, il ne sera pourtant pas dénué d'intérêt offrant une dimension plus tragique et humaine au personnage. Sinon Miller pose les bases d'une mythologie fascinante et si il a bel et bien deux autres histoires de se calibre à raconter j'espère que le film aura du succès pour accorder ces suites car même si le film se suffit à lui-même d'autres histoires peuvent et méritent d'être racontées.
Le casting est excellent, aucuns rôles n'est à jeter et chaque acteurs s'en sort à merveille même si il ne sont véritablement que trois à sortir du lot et à véritablement marquer. On a d'abord Nicholas Hoult qui est la révélation du film, d'habitude assez fade dans ses rôles, il arrive ici à offrir une dimension de jeu insoupçonnée, entre folie et candeur il compose un personnage intéressant et il est d'une justesse imparable. Ensuite Tom Hardy est un excellent Max, c'est indéniable et en terme de talent d'acteur il est même meilleur que Mel Gibson offrant à son personnage une animosité, une bestialité dans les mouvements et une folie que n'avait pas Gibson. Même dans sa dimension psychologique il offre un personnage plus humain, plus fragile et plus bouleversant. Néanmoins la version du personnage de Gibson était plus marquante, plus iconique et charismatique mais après il n'y a pas de meilleur Max, car ils sont deux versions différentes d'un même personnage, tout deux sont excellents et tous deux sont des Max valables et charismatiques. Mais ici celle qui domine véritablement l'ensemble c'est Charlize Theron qui est absolument magistrale offrant une prestation nuancée et livrant un personnage passionnant qui irradie l'écran durant la quasi-totalité du film.
La réalisation quant à elle est techniquement prodigieuse, que ce soit la sublime photographie de John Seale, la musique prodigieuse de Junkie XL qui se fait à la fois majestueuse et épique ( notamment lors de la scène avec les motards dans le canyon ) et le montage qui se montre d'une habilité et d'une maîtrise imparable grâce à une sens millimétré du découpage qui enchaîne les plans avec rapidité sans pour autant sacrifier la lisibilité qui reste excellente sur toute la durée du film. Sinon la mise en scène de George Miller est virtuose et inventive, livrant des scènes d'actions jamais vues constamment en renouvellement. Celles-ci ne sont pas figées, elles ne se ressembles pas et on la prouesse d'arriver à créer des développements dramatiques entre les personnages au sein même de l'action, qui ne sert pas seulement à faire du divertissement mais aussi bel et bien à faire avancer l'histoire. Pourtant plus que faire de l'action, la mise en scène permet de faire comprendre l'histoire et les personnages mieux que les mots grâce à un univers visuel ingénieux, empli de personnalité et à la symbolique forte ( elle nous fait comprendre la stérilité de Furiosa grâce à la suggestion de l'image, le premier plan sur elle montre sa marque de tête de mort dans son cou, encore vive malgré les années, symbole de son corps qui est un temple de la mort, ses cheveux rasés, chez elle rien ne pousse, ou encore ce magnifique plan où agenouillé elle hurle au sein d'une terre stérile ). La maîtrise que Miller exerce sur son film est juste magistrale et il arrive à renouveler son univers de manière brillante, en réutilisant ancien et en y injectant de la nouveauté pour faire un film hybride relativement old school mais définitivement actuel, se permettant par la même occasion d'enterrer toute concurrence en reléguant les blockbusters actuels sur le banc de touche.


En conclusion Mad Max Fury Road est un pur chef d'oeuvre qui s'impose même comme le meilleur film de la saga en étant bien plus profond et virtuose que The Road Warrior. Définitivement l'oeuvre d'un génie qui du haut de ses 70 ans ne se contente pas de redynamiser le blockbuster mais aussi de réinventer le cinéma dans son ensemble sans pour autant renier le passé de la saga. Il offre une oeuvre rock et complètement folle qui joue habilement avec le bruit et la fureur pour un divertissement jamais vu et révolutionnaire dans une époque qui à clairement besoin de coup de pied au cul pour retrouver l'essence même du cinéma, l'art. George Miller à toujours été un visionnaire, arrivant à comprendre parfaitement les maux de la société et les retransmettre avec justesse, ses anciens films sont toujours très actuel et pourtant avec ce nouveau film il arrive à mêler ancien et nouveau pour créer une oeuvre qui résonne à travers les âges et comme ses anciens films, Mad Max Fury Road risque d'hanté les rêves et l'imagerie des cinéastes pendant pas mal de temps. Plus qu'un blockbuster, un véritable film d'auteur et plus qu'un film, une véritable oeuvre d'art à la fois magnifique, intemporelle et inoubliable.

Frédéric_Perrinot
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le 15 mai 2015

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