Madeleine Collins est une réponse au Vertigo d’Alfred Hitchcock, en ce qu’il prend soin de redistribuer le point de vue de l’homme comme épicentre à la femme, qui encadre le long métrage par la présence de deux personnages dont le lien de parenté demeurera caché jusqu’à la clausule. Le réalisateur, Antoine Barraud, refuse de cataloguer son héroïne comme une hystérique et laisse les considérations cliniques aux personnages masculins en rendant possible la double identité ; c’est alors l’avalanche de circonstances extérieures à Judith qui feront d’elle une bipolaire coincée entre deux histoires, entre deux pays et entre plusieurs langues qu’elle comprenait jusqu’alors, en témoigne son métier de traductrice diplomatique.

Une très belle séquence la place à l’opéra en position de spectatrice d’un « Ave Maria » qui produit en elle une émotion telle qu’elle doit impérativement quitter la représentation ; ce lieu, et cette rencontre avec la sensibilité la plus authentique et nue, la raccorde à la distance géographique et physique qui sépare son foyer d’origine, mais fantomatique, de son foyer d’adoption, rendu concret par la simplicité de l’appartement et les projets en commun que l’on y conçoit. Il n’est pas anodin que l’époux chef-d’orchestre, interprété par Bruno Salomone, souhaite déménager, trouvant dans le mouvement une fuite hors de la réalité. La mise en scène, d’abord très posée, épouse les dérèglements intérieurs de sa protagoniste pour revendiquer une esthétique caméra à l’épaule, donnant lieu à un plan de toute beauté et significatif de deux mains tenues en direction du domicile paternel.

Malgré un manque d’émotions et une linéarité scénaristique somme toute prévisible, Madeleine Collins brosse avec justesse le portrait d’une femme soucieuse de mener de front sa vie professionnelle et ses vies personnelles, quitte à se dédoubler pour y parvenir. Une métaphore pertinente.

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le 21 mai 2024

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