C'est le second opus de Maigret joué par Gabin après Maigret tend un piège. Au contraire de celui-ci qui était urbain, en plein Paris, dans les ruelles du Marais, Maigret et l’affaire Saint-Fiacre est campagnard, avec château, nobliaux déchus, intrigues provinciales entremêlées, mort annoncée et suspecte dans l’église en présence de nombreux témoins dont Maigret, avec une belle écriture des personnages, du scénario et de la construction.
Je viens de le revoir.
Ce qui me frappe c'est que la camera ne lâche pas Gabin d'une semelle. On le suit quand il marche, s'arrête, enlève son manteau ou son chapeau, fume sa pipe, et dans de très nombreux moments où il ne fait rien, rien du tout, mais Gabin donne tant d'épaisseur au personnage de Maigret et il a un tel charisme que tous ces moments nous semblent comme des articulations et des progressions de l'enquête, et seulement parce que nous regardons Gabin penser. Par moments, nous nous interrogeons sur le suivi de l'enquête et nous nous disons qu'on nous arnaque, mais on a un tel plaisir subjugué à le voir évoluer d'ici à là où au milieu de tout ce petit monde que nous rejettons ce réalisme : place à la magie du cinéma, de son mouvement, et du jeu des acteurs (par ailleurs tous agréables à regarder et à suivre).
Le dernier plan rappelle la fin de l'enquête dans Quai des Orfèvres de Clouzot, avec Jouvet qui montrait son harassement, dans sa gestuelle, son corps, son exclamation et son silence, comme s'il avait retenu une part d'étouffement qu'il libérait enfin : ici, on voit longuement le visage défait de Maigret - Gabin dans son autocar cahotant du retour, montrant son dégoût, sa peine et sans doute sa culpabilité de n'avoir pas pu empêcher le meurtre de la vielle dame qui l'appelait à l'aide.