C'est contre-intuitif mais dans les westerns, le dernier duel d'un film est souvent original, composite ou multiple, voire bizarre. Les fins de western sont rarement les stéréotypes du duel en face à face (qui tire le premier ?). En fait, les réalisateurs ont à coeur d'inventer quelque chose de different d'une part du "face à face" (souvent utilisé dans le corps du film) et d'autre part du "gunfight final" des autres westerns. C'est presque une signature pour chacune des oeuvres (même les pires d'entre elles s'y essaient !).
Sam Raimi, dans ce pastiche réussi, fait du duel en face à face stéréotypé la matière même de son film : le pitch principal est la succession jusqu'à la fin de ces séquences types (qui sont donc nombreuses) qui vont trouver cependant une originalité soit dans la mise en scène, soit dans l'évolution de la scène, soit dans le suspense, etc.
Si on s'attend à un western classique, fusse-t-il "moderne" (des années 90 comme ce film de 1995), on peut être déçu par cette impertinence, d'autant plus qu'elle est répétitive.
Si on le voit comme l'hommage recherché et fouillé, fusse-t-il ironique, à des séquences innombrables qu'on absorbe parfois de manière machinale dans les westerns, on se dit qu'elle méritaient bien qu'on les désacralise, surtout qu'elles sont servies par une galerie d'acteurs excellents, qui apportent chacun aussi leur part singulière d'auto dérision, et que le duelliste final et gagnant est ici une femme jouée par la merveilleuse Sharon Stone.
Sam Raimi a dit qu'il n'avait pas vu beaucoup de westerns avant de faire ce film. Doit-on le croire ? A mon avis non. Les référénces sont d'ailleurs multiples, venues tant du western américain qu'italien. Pour les plus évidentes, Herod joué par Gene Hackman rappelle son rôle dans Impitoyable et le trou dans la poitrine de Ace joué par Lance Hericksen, comme son rôle de tueur matamore d'ailleurs, rappelle ceux de Stacy Keach dans Life and Times of Judge Roy Bean de John Huston.
Quand on regarde ce film avec la décontraction qu'il suggère, on profite avec grand plaisir de chaque détail de la mise en scene au cordeau et du jeu des acteurs très investis dans ce projet, à la fois pastiche et hommage réussis.