Comique, poétique, politique, le film se débarrasse assez vite de son fil directeur (brûlant) d'actualité pour ne se concentrer que sur les pérégrinations de Serge Pilardosse dit Mammuth dans cette Charente-Maritime quasi-désertique. Un rôle taillé sur-mesure pour Gérard Depardieu qui impose à l'écran sa grande carcasse de Bouddha timide et légèrement débile. Juché sur sa moto, les cheveux gras au vent, le ventre dépassant légèrement de la chemise, l'acteur français n'est jamais meilleur que dans la simplicité. Bien loin des gesticulations et de l'emphase, tout le talent de Depardieu se pose dans un geste, un regard, une parole. Son meilleur rôle depuis longtemps. Les femmes jouent évidemment un grand rôle dans ce monde un peu archaïque où l'homme terre à terre a besoin de sa muse, restée à la maison, pour l'aider à surmonter les épreuves. D'abord il y a Yolande (Moreau), égale à elle-même et à la répartie cinglante. Et ensuite Isabelle (Adjani), belle, fantomatique, iconique. Anna (Mouglalis) en fille de joie de passage. Et pour finir, il y a cette énigmatique Miss Ming, artiste dans la lune et touchante. La jeune femme, une poétesse repérée sur la plage par les deux grolandais, fait ses premiers pas, avec brio, devant la caméra.

Saisonniers, travailleurs au noir, retraités sans le sou, jeunes paumés, employés exploités, petits chefs ridicules, bouseux magnifiques... C'est toute la gamme de ceux qui peuplent un trou perdu qui se retrouve propulsé en haut de l'affiche pour ce quatrième film des réalisateurs de Louise-Michel. Avec toujours cette thématique sociale bien ancrée (ici, la retraite) et cet amour pour le "Con" cinématographique. Un "Con" attachant bien sûr, mais on trouve aussi des cons abjects, des cons ridicules et des cons qu'on aimerait bien cogner. Toute une série de rencontres qui donne l'occasion de faire jouer les copains (Pooelvorde, Siné, Lanners, Blutch, Annegarn...) et de multiplier les scènes absurdes ou cocasses. Toute la force du film réside dans cet enchainement efficace de scènes drôles, touchantes, parfois glauques... que Delépine et Kervern vont avoir la bonne idée de ralentir, dans la deuxième moitié du film, pour se recentrer complètement sur les aléas de Depardieu, quitte à nous déstabiliser. L'évasion par l'absurde, l'évasion par la poésie. En évitant de poser trop de questions sur la retraite, la solitude des seniors ou les petits boulots ingrats, la paire de réalisateurs évite le piège de la chronique sociale plombante pour dresser le portrait d'un homme, de nouveau libre, mais légèrement dans le pétrin.
MrShuffle
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le 6 mai 2010

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MrShuffle

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