Pour tout vous avouer, je n'avais pas beaucoup apprécié Les Triplettes de Belleville. Son sujet ne m'avait pas trop aidé à l'époque... Mine de rien, le film date déjà de 2003. Et si l'on se souvient uniquement de Sylvain Chomet pour une œuvre de plus de vingt ans...
Mais Marcel Pagnol, après tout, c'est un sujet intarissable pour le cinéma. Et l'animation de la bande-annonce était très jolie avec ses couleurs chaudes. Tandis que le passage au dialogue, surtout avec toute cette langue riche et exubérante m'avait rendu curieux. C'est tout cela qui m'a attiré dans la salle.
Et parce que cela avait rappelé quelques sensations éprouvées devant Le Petit Nicolas : Qu'est ce qu'on Attend pour être Heureux ? ou Gainsbourg : Vie Héroïque, que le masqué avait adoré.
Cela se confirme tout d'abord, avec ses allures de biographie et cet esprit de l'enfance qui se matérialise devant les yeux de l'auteur en panne d'inspiration. Le retour aux sources doux amer, avec la rapide disparition d'Augustine, mais surtout la mise en parallèle avec la quête du mouvement perpétuel de Marcel, avec sa drôle de machine et son puissant parfum de nostalgie.
C'est tout ce qui baigne Marcel et Monsieur Pagnol, dans un portrait de l'homme inquiet, ses aspirations littéraires et sa soudaine envie de porter la voie d'une province fantasmée et parfois ridiculisée par les élites parisiennes.
Le portrait est truculent, apaisé, fleurant bon le sépia et le doux voyage dans le temps.
Mais Chomet en profite aussi pour dresser un véritable portrait culturel brassant théâtre, transition entre le cinéma muet et le parlant, invasion américaine et privatisation de la puissance occupante ou encore critique condescendante. Prétexte à nombre d'anecdotes savoureuses, de courts extraits de vrai cinéma retravaillé et d'une galerie de portraits disparus que l'on a plaisir à retrouver.
Cela semblait donc s'acheminer vers un huit enthousiaste ici. Cependant, il faut reconnaître que si la première partie de Marcel et Monsieur Pagnol est remarquable de fluidité et de rythme, c'est la seconde qui pêche un peu à la ligne, qui revêt plus la forme de vignettes juxtaposées et utilise parfois trop l'ellipse. Comme si le réalisateur s'était rendu compte qu'il n'avait plus assez de temps pour raconter son histoire.
Le plus symptomatique sera sans doute le passage à l'écran des femmes du cinéaste, qui se transforment de plus en plus en ombres de passage jusqu'à ce qu'un événement tragique en fin de parcours vienne frapper la famille, donnant un peu plus de chair à l'une d'entre elles.
C'est un peu dommage que Chomet n'ait pas pu tenir toutes ses promesses. Car même aux prix de certaines images un peu hors-sujet s'agissant de l'américanisation du cinéma, il réussissait cependant à donner une vie, un cachet à sa bio de l'auteur ultra classique, à animer un milieu culturel à questionner ses évolutions et à pétrir pour la première fois une langue fleurie et chantante.
Chomet était à son aise : il avait réussi à marier la poésie de son cinéma avec celle de Pagnol, tout comme son amour du vrai. C'est cela que j'ai envie de mettre en avant ici.
Behind_the_Mask, avé l'accent.