"Voyage au bout de l'enfer" dans les forties et en plus soft.

Ivan rentre de la guerre du Pacifique. Il s'en défend, mais ça l'a profondément marqué, et il a la mauvaise conscience du survivant, et des hallucinations avec des rats. Il retrouve son amour d'enfance, Maria, amour jamais consommé. Maria traîne avec un capitaine, Al. Mais Maria se marie pour son amour d'enfance. Hélas, Ivan n'arrive pas à consommer le mariage : pendant la guerre, il s'est tellement accroché à l'image fantasmée de Mariq qu'il n'arrive pas à coucher avec. Du coup, elle se sent moche, et lui en devient fou. Il fugue. Maria cède sur un coup de tête aux avances de Butts un musicien beau parleur de passage. On découvre que Maria est encore vierge. Ayant refait sa vie ailleurs, Ivan repousse Maria, qui vient lui proposer de l'aider à élever l'enfant. Mais il tombe sur Butts, qui se vante de son aventure et comprend qu'il s'agit de sa femme. Il trouve aussi son vieux père sur le pas de la porte. Il rentre à la maison. Ils arrivent enfin à vivre pleinement leur amour.

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Le scénario de cette comédie dramatique est assez classique, mais le charme demeure, car on sent la patte de Konchalovski (et tant pis si j'orthographie mal). Marrant, même dans ce film américain, je retrouve le goût de Kontchalovsky pour les intérieurs défraichis, mal entretenus.... Idem, le même sens du paysage que dans "Siberiade", au détour d'un plan sur un pont surplombant une vallée. Et ces plans, sublimes, de cette chaise incongrue sur une colline de blé, dominant le paysage environnant, et symbole de l'enfance perdue.

Côté acteurs, c'est fort bon, avec une Nastassja Kinski parfaite dans son mélange de beauté éthérée, parfois aguicheuse, et son regard un peu fou, impulsif. John Savage délivre une performance comparable avec celle de "Voyage au bout de l'enfer", avec une nuance légèrement slave. Mais le film gagne énormément avec Mitchum, sa stature de père des fourties, solide, qui ne comprend pas tout mais campe, solide comme un roc. J'aime ce plan où père et fils sont deux silhouettes fondues dans le brouillard du quai de la gare. Goodman, dans un petit rôle, est toujours aussi savoureux.

Bon, il y a quelques trucs un peu kitsch ou datés, comme l'hallucination où Savage a un rat gigotant dans la bouche. Et puis il faut aimer ce genre de film où l'on voit la trame à deux kms, mais où ce qui compte, c'est le courant de passion dans lequel sont pris les personnages.

J'aime beaucoup la scène où Butts, après avoir raconté son aventure cynique, chante avec beaucoup de pénétration l'air qui a séduit Maria, ou comment la musique, que nous portons tellement aux nues, peut aussi être un instrument de manipulation.

Bref, c'est un beau film qui ennuiera prodigieusement celui qui n'entrera pas dedans, et fera pleurer celui qui choisira d'adhérer.
zardoz6704
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le 28 janv. 2015

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zardoz6704

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