Le vent de l’ennui.
Au moins, après ce truc, Garrel (qui n’a alors que dix-neuf ans) ne pouvait pas faire pire. C’est vraiment un essai pénible d’étudiant imbu. Il y a toutefois un sens singulier du cadre et de...
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le 2 déc. 2019
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Garell m’avait vu le mépriser pour son film Corus qui était, je trouve, bête et vain. Puis j’ai trouvé un excellent réalisateur dans Le Révélateur. Et là, entre les deux, il m’épate tant l’œuvre est subtile. Principe in fine investi dans son esthétique et sa narration. Je l’utilise en pis-aller, ce terme est saugrenu, il est impropre au cinéma de Garell. Nous préférerons alors l’expression deleuzienne de problématisation du territoire filmique. Ce sera en premier lieu notre sujet d’étude précédant celle de la polysémie du mouvement polarisé autour de deux formes, espace et temps. Dès lors la question sera de percevoir, par des exemples, l’exercice de ce principe. Enfin, dans un dernier vent critique, nous aurons à voir succinctement la manière dont Philippe Garell révèle des personnages pensants vus par un esprit caméra qui pense. Réellement ? Deux formes de cogito ? Nous verrons.
À l’orée de ce commentaire, il est limpide que Garell a, dans ses films, raisonné ses formes narrées. C’est-à-dire que différentes instances évaluent un lieu filmique, d’abord le dialogue. Les dialogues sont, selon moi, la négation du cinéma, qui est avant tout un art plastique, mais bon, Garell est moins extrémiste et les tolère dans une certaine mesure à l’origine de gonds rigoureux. Ils sont austères et pas toujours articulés ; je pense qu’il s’agit d’un geste et non d’une maladresse. Il existe bien une construction territoriale dans le film, une façon de dire assez écouté, regardez maintenant. Et de fait le regard est posé sur sa mise en scène, sublime. Garell fait montre d’une pertinence indéniable. Une valeur esthétique à laquelle je tiens est le jeu des regards ; ils construisent le phénomène filmé, le film. Il se structure toujours en plusieurs temps et ils sont de différente nature : regard hors champ, contemplation d’un visage, mais souvent ils esquivent le croisement. Les corps se mêlent, les esprits moins. C’est en cela qu’il est très technique, il trouve de quoi stimuler l’œil récepteur avec brio. La vision du film devient l’écoute d’une phrase musicale.
Mon précité est l’analyse de l’image presque photographique, un ramassis qu’on peut retrouver en bande dessinée ou en art pictural. Mais le propre du cinéma est un art de mouvement, dixit Deleuze. À tort ou à raison, nous le prendrons en propédeutique liminaire. Donc le mouvement ? Mais comment ? Eh bien le mouvement a deux formes et deux effets : mouvement de caméra ou mouvement des corps, qui induit nécessairement un espace et un temps. Cette idée se développe dans le cinéma de Garell. Prenons l’incipit comme sujet, il est représentatif de la structure filmique qui suivra. Sur un banc sont assises quatre personnes, chacune interagit avec un autre membre. On a donc deux duos sur un même banc. On voit bien un exercice de style, c’est complexe à filmer surtout si en plus Garell ne se réduit pas au réalisateur technicien. Face à plusieurs choix, la caméra fait, sur rails, un mouvement latéral répété de droite à gauche puis de gauche à droite et cetera, secoués, les corps se mélangent. Ils sont pris dans l’ombre et ce mouvement vient les confondre. C’est en rythme que les personnages sont caractérisés. Le fond est sombre et la mise en scène s’avère être un objet esthétique. Ensuite débarque une mise en relation des personnages au-delà du mouvement de la caméra. Le scénographe fait une nouvelle fois face à une myriade de choix. Garell opte pour des corps fixes, qui petit à petit se fluidifient, et le geste, d’abord serré, s’émoustille. De là, nous voyons clairement le double sujet du cinéaste, son mouvement de la caméra et des corps dans un univers spatio-temporellement situé.
Ainsi, les personnages ne sont que des conséquences du mouvement : un semblant d’humanité dans le geste, une anomalie dans la substance filmique. Nous savons maintenant assez pour parler du sujet le plus nébuleux, les personnages. La caméra n’est pas objective, nous l’avons vu. Alors comment montrer un esprit subjectif dans un cadre qui l’est tout autant ? Sont-ils tenus d’être en accord ? L’intersubjectivité est ratée selon moi, la caméra sait penser et dire sa pensée. Ce n’est donc pas un penseur indépendant. Pour dire vrai, ce choix de refuser la tension entre le dit et le dire me laisse en état de frustration. Il hésite et doute. Tout s’articule trop justement. Ces images spéciales, que le commun des mortels appelle personnages, ne sont pas des esprits mais des reflets de l’image. Et cela tend à la lourdeur théâtralisée. Enfin l’affection dramaturgique est un mensonge. On croit aux personnages comme au père Noël.
Mea culpa, le film est excellent. Je m’intéresserai sûrement à Garell dans l’avenir.
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il y a 6 jours
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