Absolument déchirant parce que tellement banal, Marriage Story illustre magistralement l’engrenage dévastateur qui pousse un couple à se déchirer lorsque le divorce devient l’unique voie possible, la résolution à l’amiable n’étant plus une option quand la garde d’un enfant en est l’enjeu majeur.
Après les promesses d’une sortie par le haut, en adulte, ce sont les rancœurs qui rejaillissent, les non-dits qui éclatent avec une violence dont aucun des deux ne se savaient capables. Exacerbée par le cynisme et le bagou d’avocats pour qui les futurs ex-époux sont des proies vulnérables, la situation s’envenime au rythme des coups bas et des attaques plus ou moins loyales. L’amour se délite sous nos yeux et se transforme en quelque chose d’assez moche. On pense atteindre un point de non-retour, jusqu’à ce que la guerre passe, que chacun compte ses points et panse ses plaies, l’acrimonie s’estompe et le cours de la vie reprend…
Baumbach saisit chaque étape de ce brutal et douloureux processus avec une justesse sidérante. Sa mise en scène simple use de grands angles pour capter le drame et la bouffée d’humanité qui l’entoure et filme en gros plans pour fixer sur nos rétines des visages bouleversés et bouleversants.
Minutieusement écrit, comme cette introduction accrocheuse, tendre et profondément touchante avant que l’orage n’éclate, Marriage Story démontre encore l’incroyable facilité qu’à Noah Baumbach à appréhender les rapports humains et à traduire les moments pivots d’une vie. Rien n’est jamais simple quand il s’agit de sentiments. Les scènes s’enchaînent parfaitement, rythmées, sensées, éclairées de sens. Les dialogues sont précis, ciselés et offrent de grands moments, comme ces joutes verbales explosives et savoureuses entre avocats. En passant Laura Dern vole chacune de ses scènes, elle est fascinante et ferait presque passer les prestations de Scarlett Johansson et Adam Driver au second plan. Et pourtant… Les deux acteurs sont désarmants de naturel, brillants de bout en bout. Leur grande scène d’explication est un modèle de montée en tension, de rage, de ressentiment aveugle, d’insultes crasses, où chacun pense être dans son bon droit et ne veut pas comprendre les arguments de l’autre. Quand ils ne jouent pas dans l’espace avec un sabre ou une lance, ce sont des putains d’acteurs …
Marriage Story est un évident candidat aux Oscars (il a en tout cas une place garantie dans mon top annuel), tant il évite le pathos pour se concentrer sur l’essentiel, avec une délicatesse, un cœur et une exactitude à aucun moment démentis. C’est vivant, ça fait mal et ça fait du bien. Un grand petit film.

Thibault_du_Verne
8

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le 15 déc. 2019

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