Réalisé par Ishiro Honda en 1963, presque 10 ans après Godzilla et entre deux films de Kaiju, le très connu King Kong contre Godzilla et le un peu moins connu Atragon, Matango est un film qui en garde l’esprit et une partie de l’équipe mais qui se passe de monstres géants. Eiji Tsuburaya est aux effets spéciaux, Tomoyuki Tanaka à la production, et les acteurs sont des habitués des genres kaiju et science-fiction.
Sept personnes, cinq amis et deux membres d'équipage, font une croisière sur un voilier. Alors qu’une tempête se prépare, le propriétaire du bateau refuse de rebrousser chemin, le voilier subit de lourds dégâts et toute la bande se retrouve à la dérive. Par chance (enfin, façon de parler), ils arrivent sur une île déserte où ils découvrent une autre épave, mais aucun signe de l’équipage. La cause de leur disparition semble être de mystérieux champignons.
Le film est une adaptation d’une nouvelle de William Hope Hodgson dont il conserve la structure en flashback et la trame principale, des naufragés sur une île peuplée de champignons parasites et mortels. Mais, comme à son habitude, Honda y ajoute des considérations sociales et politiques. Le vaisseau échoué sur l’île était un navire scientifique qui étudiait les radiations atomiques, les déformations corporelles dues à la consommation des champignons ont été comparées aux séquelles corporelles causées par les bombes d’Hiroshima et Nagasaki, on pourrait même avancer que l’isolation du rescapé est une allusion à la discrimination des hibakusha (les survivants des deux bombes atomiques). Honda a aussi déclaré que le film parlait des drogues et de l’addiction, un problème qu’il trouvait particulièrement préoccupant dans les années 60.
La technique laisse toute la place à ces allégoriques de se développer, pas de monstres géants, pas d’effets ostentatoires. Tsuburaya et Shigekazu Ikuno, le directeur artistique, rendent les décors très réalistes et distillent ainsi une atmosphère malaisante sans avoir recours aux hommes champignons. Le suspense et la tension naissent alors des relations humaines qui se détériorent rapidement. Et le film prend une tournure psychologique quand il pose la question de savoir combien de temps l’homme peut résister à quelque chose d’attrayant mais qu’il sait nocif. La réponse apportée est très pessimiste.
Si Honda s'éloigne un peu avec ce film du genre kaiju qui a fait sa renommée, il reste fidèle à ses thématiques, notamment parler indirectement de la bombe et de ses effets. Mais le ton est plus sombre que dans ses autres productions et illustre bien l’adage selon lequel l’homme est son pire ennemi.