A un moment Marceau lâche à Dutronc : « quand vous faites pas le con, vous êtes grave ». Pour une fois, elle a tout compris et parlé pour beaucoup. Dans ce film de Zulawski (Possession, L’Important c’est d’aimer), Lucas et Blanche assument leur passion la nuit alors que les jours de Lucas sont comptés. Dans sa peau, Dutronc ressemble à un Luchini sans humanité, pas moins spirituel, à la logorrhée continue, parlant pour comprendre. Pressé par l’imminence de la mort, il exprime une conscience chaotique, projetée et surtout capturée à l’extérieur. Il joue avec les points, on dirait un Las Vegas Parano littéraire, confinant souvent à l’absurde ou à la farce venteuse.


S’il est enthousiasmant la première demie-heure ; le manège est lassant par la suite, la tête n’en veux plus, les tripes n’y trouve rien, le cœur reste mou et contrarié, trop ballotté, ses suggestions étouffées. Les délires en appartement, en milieu de séance, accouchent d’une période dont la durée se fait sentir et l’agitation disgracieuse épuise. Pour autant, le film conserve un équilibre subtil entre lourdeur et poésie intuitive, stéréotype exalté et originalité aberrante.


L’ensemble est parsemé de réminiscences de traumatismes enfantins. On découvre que depuis toujours, Lucas affirme un égoïsme irrationnel et ludique pour se prémunir des chocs de la vie, des risques de l’amour perdu. Tant qu’à Blanche, dont les numéros de télépathe tendances drama-queen suintent la fièvre (car elle exige la performance viscérale la plus crue), elle est incapable d’être équilibrée car inapte à reconnaître ce qui lui 'induit' et lui veux du bien.


Ces dérapages et cette folie sous contrôle rendent paradoxalement le film malpoli et agressif. Ils en font le film le plus littéralement hystérique de la carrière de Zulawski, proche aussi de l’écriture et la mise en scène automatique. Parfois pénible, toujours d’une pureté héroïque, Mes nuits inspire un certain respect car il va au bout de sa logique, avec malice et authenticité. Son potentiel d’attachement en revanche est plus limité.


https://zogarok.wordpress.com/2016/09/09/seances-express-n25/

Zogarok

Écrit par

Critique lue 1K fois

D'autres avis sur Mes nuits sont plus belles que vos jours

Mes nuits sont plus belles que vos jours
Lycaonne
8

Critique de Mes nuits sont plus belles que vos jours par Lycaonne

J'ai aimé cette poésie, ce jeu théâtrale. J'ai aimé Dutronc, et encore plus Sophie Marceau. Si jolie, si rafraîchissante, si douce. Au delà d'une histoire d'amour sous le signe de la folie se cache...

le 6 mars 2013

2 j'aime

Mes nuits sont plus belles que vos jours
Juliefnt
5

Aurait pu, mais n'a pas (atteint des sommets).

Quelle frustration. Dès les premiers plans, l'esthétique du film rappelle celle de ceux produits pour la télévision, diffusés tout au plus sur M6 durant les heures creuses. Peu de jeux -voire aucun-...

le 8 août 2016

1 j'aime

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2