Six pieds sous terre
Après "Petit Paysan", Hubert Charuel revient avec un film qui n'a rien à voir mais qui traite toujours du même contexte, celui-ci de la diagonale du vide dans laquelle il a grandi et à laquelle il...
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le 20 mai 2025
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Huit ans après Petit Paysan, Hubert Charuel, avec son binôme Claude Le Pape, présente Météors. Décrivant les illusions perdues de ses personnages, le réalisateur ouvre trop de portes sans les refermer.
Hubert Charuel est un cinéaste prometteur. Son premier long-métrage, Petit Paysan, sorti en 2017, a reçu trois César. Huit ans plus tard, il revient avec Météors, présenté au dernier Festival de Cannes dans la section “Un certain regard”. Attaché à son territoire, le Haut-Marnais reste chez lui mais troque le terroir pour les trottoirs, les vaches pour la drache.
Évoquant Taxi Driver, Martin Scorsese déclarait : « Je voulais que New York fût constamment présent, jusqu'à devenir un personnage en soi. [...] Il y a une sensation qui imprègne le sujet qu'on traite, et qui finit par affecter le comportement de vos personnages. » Non contente d'être le décor de Météors, Saint-Dizier est protagoniste. Survolée au drone ou filmée à hauteur d'épaule, la sous-préfecture est une prison à ciel ouvert, un cimetière des rêves d'adolescent.
C'est dans cet univers étriqué qu'évoluent Mika (Paul Kircher) et Dan (Idir Azougli), dont les seules réjouissances sont d'aller au bowling et de s'arsouiller. Équipier à mi-temps chez Burger King et chômeur, les deux potes vivent de petits trafics et de mauvais plans. Les mésaventures de ces idiots splendides, au début du film, laissent penser qu'Hubert Charuel propose un buddy movie sur fond de chronique de la jeunesse dans la diagonale du vide.
C'est là où le bât blesse. Avec Petit Paysan, le cinéaste proposait un drame social qui parvenait à déjouer les pièges du genre. Il lui avait donné le souffle d'un thriller sans sacrifier l'aspect documentaire. Si Météors n'est pas aussi réussi, c'est parce qu'il est dépourvu de fil conducteur. En prononçant un double compte à rebours, Hubert Charuel et Claude Le Pape tracent le destin des deux amis et laissent la noirceur balayer la drôlerie.
Or, par-delà la quête de Dan et Mika, les coscénaristes ouvrent des portes sans les fermer. Et ça fait courant d'air. Le vœu pieux d'ouvrir un refuge pour chiens à La Réunion et l'improbable enquête pour retrouver Moby Dick sont des digressions qui alourdissent le récit. Que dire des questions ouvertes sur la « poubelle nucléaire » ? Le véritable projet (Cigéo) et ses répercussions, largement documentés, sont effleurés par Hubert Charuel, qui se contente d'une réflexion primaire alors qu'il avait la matière pour signer un pamphlet. Frustrant.
Pourtant, le réalisateur ne manque pas de bonnes idées. La photographie, avec beaucoup d'extérieur nuit, marque les esprits. La ville et sa tour Miko, omniprésente, sont filmées avec talent. On en veut pour preuve cette scène au sommet du monument, pleine de poésie, qui reste coincée dans la tête. Au fil du film, la pluie battante et l'absence de perspectives plongent le spectateur dans un climat austère et toxique. Hubert Charuel vient surligner cette angoisse avec des séquences oniriques, procédé déjà vu dans Petit Paysan.
Comme dans son œuvre précédente, il ne pose jamais de regard moralisateur. L'écriture de la relation entre Mika et Dan caractérise bien les personnages : à mesure que leur amitié est mise à l'épreuve, l'humour et la légèreté laissent place à l'amertume et l'acrimonie. Et l'on ne peut pas douter de la tendresse du cinéaste pour les acteurs qui les campent et pour son décor. Météors est un geste d'une sincérité absolue, qui frustre et laisse un goût d'inachevé.
Créée
le 8 oct. 2025
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