"Murder!", c'est un peu "12 Angry Men" avant l'heure, et dans lequel le 13ème juré aurait eu la possibilité de mener sa petite enquête en dehors de la salle de délibération. À la place de Henry Fonda, Herbert Marshall, traînant toujours la même classe que celle qu'il dégageait dans "Trouble in Paradise" (Haute Pègre) chez Lubitsch.


Je mets de côté tous les aspects du film qui en font un objet assez rigide, aux articulations qui craquent : c'est un peu trop théâtral à mon goût (dans les scènes où l'on n'est pas au théâtre du moins !), un peu trop statique (même pour un film du tout début des années 30). Tout cela nuit un peu à l'intérêt et l'immersion. Par contre, la mise en abyme de la mise en scène me paraît très judicieusement intégrée au scénario, et à plusieurs reprises on se demande à quel niveau on se place : dans le film, ou bien dans une pièce de théâtre dans le film ? Même chose en ce qui concerne la dernière pièce de théâtre, dans laquelle le protagoniste entend faire jouer la personne qu'il suspecte d'avoir commis le crime, afin de le pousser aux aveux, ou encore la toute dernière séquence, mise en abyme parfaitement explicite. C'est un aspect qui en soi me parle beaucoup plus que ce qui fait la particularité de ce film pour le commun des critiques, à savoir une des premières évocations de l'homosexualité au cinéma britannique. À noter que cela ne sera jamais abordé frontalement, seulement de manière implicite : ce qui sera l'objet d'un secret porte plutôt sur le fait qu'un personnage s'avère être métis.


Les mécaniques du film policier sont par contre assez peu engageantes, à commencer par la première description de la scène de meurtre : tout paraît figé dans le marbre, la passivité de la principale suspecte est incompréhensible, la structure paraît vraiment bâclée. À côté de ça, la technique pure de mise en scène est très classique mais tout aussi solide, quelques mouvements de caméra pour donner de l'air, quelques jeux d'ombre pour susciter l'effroi : on retient notamment l'ombre de la potence qui grandit sur le mur, signifiant l'imminence de l'exécution de l'accusée jugée coupable. À d'autres moments, Hitchcock se fait presque bouffon (au sens comique) sans qu'on n'en comprenne la raison avec certitude : ce tapis dans lequel s'enfonce un régisseur, comme s'il s'agissait d'un matelas gonflable (illustration satirique des rapports de classe ?), est plutôt surprenant.

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le 5 janv. 2019

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Morrinson

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