Deuxième critique sur Sens Critique pour un film singulier tout en étant assez mainstream. Sergent Pepper a déjà fait le parallèle avec le Wicker Man de Robin Hardy (1973) et je ne peux que le rejoindre. L'horreur estivale, ou plutôt l'horreur diurne, a déjà été déflorée en 1973 sur les scories encore fumantes de la Hammer. Mais Midsommar n'est pas un simple reboot de Wicker Man (reboot qui existe avec un film de 2004 de Neil LaBute de 2004), il trouve sa propre rationalité avec un sous-texte académique.
Je n'avais pas vu Hérédité avant (c’est fait depuis et c’est un grand film perturbant) mais Midsommar trouve une place importante dans le panthéon des films à la grande beauté plastique. Car il s'agit d'abord d'un film léché sur le plan esthétique avec une photographie au service de l'histoire. Ces landes inondées de lumière renforcent le paradoxe de la noirceur du propos (noirceur qu'on peut également relativiser, on le verra). La gentillesse, la bonhommie et la disponibilité des participants à la fête du solstice (sans jamais les dépeindre de façon béate ou imbécile), sont autant d'éléments de contrepoints avec le fond du sujet.


Le point faible du film sont quelques personnages trop caricaturaux (Will POULTER se fourvoie à mon sens) qui viennent justifier les agissements de la secte solaire alors que la fin du film montre bien que la dimension sacrificielle fait partie intégrante de la fête nonagennale, que les impies commettent des actes répréhensibles ou non.


Sur la noirceur apparente du propos, je nuancerai car il y a derrière la justification des sacrifices des anciens (sacrifices accomplis dans la joie par les deux anciens) une vision certes eugéniste, mais surtout une vision de la régénérescence : les anciens frappés par les quatre cycles de 18 ans doivent s'effacer au profit des jeunes pousses en début de cycle. Ce n'est pas Green Soylent de richard Fleischer (1973), mais ça peut y ressembler : les anciens sont sacrifiés pour que la jeunesse existe dans la communauté. La différence est que le sacrifice est assumé et surtout joyeux, malgré l’horreur graphique qui le dépeint. Au-delà d'une apparente apologie de l'euthanasie, Aster a un discours audacieux sur le sujet.


Il en va de même pour le Sage, gardien des livres sacrés, qu'Aster a choisi d'incarner sous le visage difforme d'un enfant handicapé, fruit de l'inceste : par ses dessins ou ses coloriages très spontanés, il est censé rédiger les grandes règles de la secte que plusieurs druides ou prêtres ont la charge d'interpréter. On peut y voir une critique en règle des religions quelles qu'elles soient, mais aussi un message d'intégration des personnes différentes (à la manière des frères Farrelly), c’est là aussi une forme d'audace scénaristique sur ce volet-là. La question de l’altérité est toutefois ambiguë, les éléments extérieurs à la communauté sont soit glorifiés, soit éliminés.


Enfin, sur un plan formel, le film est grandiose : Sergent Pepper mentionnait les arrière-plans prenant parfois le dessus sur le premier plan, ce qui est parfaitement exact, j'ajouterai que Aster a soigné les sujets liés à la prise de psychotropes par des détails extraordinaires de justesse : la fleur de la couronne de Dani qui semble respirer, les pupilles de Christian dilatées pendant la saillie, les ondulations du paysage pendant la consécration de la Reine, la cavalcade de Dani après sa prise de champignons hallucinogènes,…

Ossorio
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le 8 sept. 2019

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