Je crois que j’ai un faible pour les films capables de m’offrir une expérience unique, c’est à dire, un sentiment de jamais ressenti avant.

Aster en a même fait sa marque de fabrique. Voir un film de lui signifie se préparer mentalement à vivre une expérience très dérangeante, à dépasser les limites acceptables de sa propre conscience et de se voir casser pas mal de codes du cinéma que l’on connait.

Je ne peux pas parler de Midsomar sans évoquer ma première expérience du genre avec le film Hérédité.

La première fois que j’ai regardé Hérédité, je n’y était pas du tout préparée, je suis tombée par hasard sur ce film, pensant voir une sorte de drame familiale classique comme j’ai l’habitude d’en regarder. Je ne m’attendais pas du tout à un film du genre horreur et encore moins à en être bouleversée. Et d’ailleurs, j’ai encore beaucoup de mal à l’identifier comme tel car il ne respecte pas vraiment les codes des films d’horreur que j’ai pu voir auparavant.

J’ai été réellement choquée par l’une des scènes dont je ne vais pas spoiler mais qui m’a fait tout de suite arrêté le film. Je suis passé à autre chose bien que j’y pensais constamment et puis je me suis finalement résiliée, après plusieurs jours, à visionner la suite. Ce film ne m’avait clairement pas laissé indifférente et je voulais en voir plus. Une fois mieux préparée, j’ai pu revoir le film dans son intégralité et je l’ai vraiment mieux apprécié (même si j’ai du faire une cure de comédies légères et de dessins animés à la suite du visionnage, pour apaiser mon âme, j’avoue #Fragile).

Je n’ai pas vu Midsomar dans les mêmes conditions. J’étais avec un ami qui n’avait vu aucun des films d’Aster et qui en était très curieux. Même si cette fois je savais à peu près où je mettais les pieds, j’ai quand même passé la totalité du film à être en PLS et à me demander « bordel qu’est ce que je regarde ? » ou « quand est ce que ce cauchemar va s’arrêter ?! » mais j’avoue que j’étais rassurée de voir que mon ami avait les mêmes réactions que moi et qu’il luttait, lui aussi, pour essayer de ne pas complètement sombrer dans le malaise. 

Ce film m’a bouleversé car il est en perpétuelle contradiction avec ce qu’on attend de lui. Il ne se passe jamais une scène qui n’est pas plus absurde que la précédente, plus malaisante, plus horrifique, plus sordide et en même temps, plus élégante, plus esthétique et plus attrayante. Certaines scènes, même les plus WTF ont ce pouvoir d’être à la fois sordides et touchantes (je ne comprend toujours pas comment une telle chose est possible haha).

Je fais référence à la scène où Christian fais des vas et viens dans le vagin de la jeune femme rousse pendant que toutes les autres femmes, à poil, se trouvant autour d’eux, émettent des bruits de gémissement orgasmiques en coeur, et que, dans la scène qui suit, Dani se met à gémir de douleur et que toutes les femmes qui l’entourent gémissent de douleur en coeur avec elles, comme dans le temple. J’ai vu ça, dans un premier temps, comme un délire super malsain puis dans une seconde lecture, comme une empathie de groupe poussée à son extrême qui m’a presque donné des frissons. 

Aster nous donne à voir une secte tellement poussée à son extrême que même les émotions individuelles sont ressenties de manière collectives. 

On a non seulement une vision totalement nouvelle du genre horreur (tout se passe en journée et dans une esthétique très lumineuse, joyeuse et colorée) ainsi qu’une vision différente de la religion comme on a l’habitude de la côtoyer. Parmi toutes les religions qui sont familières à notre civilisation (judaïsme, christianisme, hindouisme, islam..), on s’intéresse avant tout à l’individu, au bien, au mal et à la vie dans l’au delà. Dans Midsomar, Aster nous montre une secte qui met d’abord en avant le groupe ainsi que le sens du sacrifice ce qui nous semble encore plus déroutant dans notre vision du monde et dans notre perception du bien et du mal. 

Une expérience qui laisse sans voix, que je recommande mais que je conseille quand même de ne pas vivre seul :)

enodino
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le 25 oct. 2023

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