Si je fuis d’ordinaire les bandes-annonces comme la peste, quelques contre-exemples démontrent bien du potentiel attractif que peut exercer une ou deux minutes de mise en bouche : je pense notamment aux trailers de The Raid (ici) et Only God Forgives (là), dont la courte mais intense alchimie audiovisuelle confine encore aujourd’hui au délicieux frisson. Celle de The Girl with the Dragon Tatoo y prétend également sans sourciller, la reprise électrisante de Immigrant Song par le trio Trent Reznor, Atticus Ross et Karen O battant la mesure avec une maestria folle, base d’une accroche « minimaliste » on ne peut plus efficace.
Désireux de découvrir d’abord la trilogie nordique, le visionnage de cette adaptation américaine aura énormément tardé, mais les regrets ne sont pas à l’ordre du jour : de fait, The Girl with the Dragon Tatoo est une déception en bonne et due forme, tant au regard de la promesse préalablement évoquée que de sa place vis-à-vis de l’univers du regretté Stieg Larsson. Par ailleurs, dans un souci de bien faire, ne pas céder aux sirènes de la comparaison malvenue imposerait, en temps normal, de ne pas (trop) se référer à la version de Niels Arden Oplev… sauf que c’est tout bonnement impossible.
En préambule, une question se doit en effet d’être abordée : s’agit-il d’un remake ? Le mimétisme entre les deux films est tel que l’on jurerait d’un énième projet en ce sens, l’industrie hollywoodienne n’étant pas en reste dans le domaine : cela n’est pourtant apparemment pas le cas, le succès international des romans ayant nourri un intérêt compréhensible outre-Atlantique. Au risque de fomenter de vaines hypothèses, ce parallèle des plus tentants pourrait donc découler de leur fidélité respective vis-à-vis du matériau littéraire, tous deux louables selon les dires des lecteurs… mais est-ce vraiment tout ?
Que Fincher et consorts ne se soient pas inspirés, un tant soit peu, du long-métrage suédo-danois fait donc largement tiquer : un heureux concours de circonstances que nous tendrions à rejeter en bloc, et ce au regard de la myriade de choses que le « modèle » aura mieux fait à tous les points de vue… ou presque. Car s’il faut bien concéder une chose à The Girl with the Dragon Tatoo, c’est sa plastique irréprochable : la photographie de Jeff Cronenweth rend parfaitement compte de la froideur de son décor, cadre rêvé pour la mise en scène léchée à souhait de son illustre réalisateur, lui qui a fait du thriller haletant l’une de ses marques de fabrique.
Toutefois, comble du paradoxe, cette patine sans aspérités dessert en réalité le film : a contrario de la modestie (toute relative) de Millénium, qui gagnait plus aisément notre sympathie, The Girl with the Dragon Tatoo sombre peu à peu dans une artificialité glaciale, sans souffle véritable. Un état de fait conforté par son rythme trépidant, qui tend à enchaîner les scènes, séquences et segments avec un empressement curieux : chemin faisant, l’âme torturée qu’il se devait de susciter s’étiole en un temps record et son atmosphère, que nous espérions lancinante comme âpre, s’avère être d’une platitude saisissante.
Fincher a beau être un virtuose, pareil montage et inadéquation de forme et de fond laissent donc un goût amer en bouche : l’ironie mordante, la violence des actes et le poids des thématiques ne sont ici pas traitées à leur juste valeur (ce que faisait pourtant, quitte à se répéter, le long-métrage de 2009 en dépit de leurs similitudes). Invariablement, le cœur de son sujet profondément humain, sous un nappage de contexte historico-familial, est aussi décevant : à ce titre, ce tandem Blomkvist/Salander ne nous laissera pas un souvenir impérissable, n’en déplaise au look « accentué » de cette dernière. Nonobstant les performances honorables de leurs interprètes, nous sommes bien en peine de retrouver la crédibilité, les failles et forces de ces deux personnages remarquables, le scénario de Zaillian (et les éléments davantage « mécaniques » relatés plus haut) ne parvenant pas à retranscrire le puissant mais ténu lien les unissant.
Bref, nous frisons la douche froide, quand bien même The Girl with the Dragon Tatoo constituerait un honnête polar… quoique son exécution hâtive amoindrisse nettement l’efficacité de son enquête principale. Nous remuons peut-être le couteau dans la plaie, mais cela n’est jamais rien de plus qu’un énième exemple de ce qui cloche aux abords du manoir Vanger : l’essence de l’œuvre de Larsson est portée disparue. L’inspiration de Fincher aussi. Et, en marge de cette fabuleuse bande-annonce, seul son générique se veut percutant… n’est-ce pas cocasse ?